Evènements inquiétants au Sommet francophone de Québec

Le 12ème Sommet de la Francophonie, tenu à Québec du 17 au 19 octobre 2009 restera dans les mémoires, moins par son importance propre que par les réactions de la presse québécoise à la courte présence du Président français et surtout à ses déclarations au sujet du triangle Canada-France-Québec.

1) M. Sarkozy, le Québec et le Canada, et les autres à-côtés du Sommet :

L’écourtement sensible de la présence de M. Sarkozy au Sommet fut, certes, compensé par la présence de son Premier Ministre, ami du Québec .

Il n’en demeure pas moins que le « petit tour et puis s’en va » de notre Président a été ressenti par beaucoup de Québécois, et par leurs media, comme une marque que la Francophonie intéresse moins les élites françaises, et relativement peu le Président Nicolas Sarkozy.
Devant l’Assemblée Nationale du Québec, M. Sarkozy a fait une belle déclaration d’amour – bien reçue – à « nos frères » québécois membres de « la famille ».

Mais dans un entretien avec des journalistes, il a déclaré que le monde actuel avait besoin d’unité, et non de « divisions » supplémentaires. Phrase perçue comme s’appliquant au Canada et à sa province francophone. L’ancien P.M. du Québec, M. Jacques Parizeau (« Sarkozy dit des énormités »), et une bonne partie de la presse québécoise, ont réagi avec tristesse et indignation, estimant que le Président avait rompu avec la tradition de la France, depuis le Général, de « non-ingérence et non-indifférence », et de « relations réellement privilégiées » avec le Québec. Quelles que fussent les explications rassurantes et les protestations d’amitié préférentielle prodiguées par l’entourage du Président, l’impression générale demeure, et demeurera, d’un coup de pied de l’âne donné au souverainisme québécois.

Un Sommet très « co-organisé » par Ottawa et le Premier Ministre Fédéral M. Harper. En fait un peu phagocyté et récupéré, comme le fut dans l’été le 400ème anniversaire de la fondation de la Vieille Capitale par Champlain, dans l’organisation, le financement, la visibilité et la médiatisation.
Un Sommet où, sur 68 membres, moins de 40 chefs d’Etat et de Gouvernement ont été présents ; et une vingtaine de pays représentés par des personnages de moindre rang. On y a compté plusieurs absents de marque, sans parler de M. Paul Kagamé, qui venait de faire savoir, juste pour le Sommet, que son Rouanda allait remplacer le français par l’anglais dans ses écoles et adhérer au Commonwealth ».

Espérons que le choix de Madagascar pour le 13ème Sommet, en 2010, freinera la tendance de ce pays à passer aussi à l’anglais, par son Président anglophone et protestant, et avec l’appui de nos « amis » anglo-saxons.

2) Le Sommet lui-même :

Il a été encore timide en matière de langue française, pourtant promue pour la première fois parmi les thèmes principaux de la rencontre.

Il n’a pas repris la vieille proposition d’« Avenir de la langue française » et du FFI-France, sans cesse remise sur le tapis, de faire adopter par les pays membres qui ont tous voulu entrer dans l’O.I.F. une « clause de la langue étrangère la plus favorisée ». Elle consisterait à faire donner, par chaque pays dans son enseignement, ses media, ses relations internationales, au français au moins la même place qu’à l’anglo-américain.

Seule l’idée, encore bien mal précisée, d’un pacte linguistique à conclure par chaque pays avec l’OIF a été retenue.
Le Sommet a encore accentué l’un des gros défauts de l’OIF : l’élargissement à tout va, sans approfondissement, vers une ONU-bis, par l’admission, en attendant Israël, de deux nouveaux observateurs : la Lettonie et la Thaïlande !
Un Sommet un peu sauvé par la conjoncture, mais relativement décevant, et qui traduit malheureusement un certain essoufflement auquel il devient urgent de remédier par un sursaut sérieux.

Un Sommet dont certains à–côtés laisseront des traces dont nous aurons tous à souffrir, si nous ne changeons pas de pied.

Albert Salon, docteur d’Etat ès lettres, ancien Ambassadeur

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