Un néolibéralisme suicidaire

La crise a perdu ses racines étymologiques. Elle n’est plus cet « ensemble de symptômes qui annoncent la fin heureuse des maladies ».
Les medias en ont fait un accélérateur de l’angoisse de leur audience, donc de leur chiffre d’affaires. Ils ont opportunément oublié qu’il s’agit d’une fin heureuse. Et ils n’ont, sans doute, pas tort de ne pas suivre les économistes qui sont sûrs de la reprise. Si le retour à la croissance d’ici quelques mois est probable, le contenu essentiel de cette crise risque d’empoisonner beaucoup plus longtemps le climat social. Le monde tout entier, jusqu’au fin fonds du continent chinois, vient de succomber à un effondrement moral dont le début remonte à 1973 et qui n’a pas cessé de s’accélérer depuis les deux mandats « horribilis » de ce fils opportun, George W. Bush. La fin des guerres nationales depuis un demi siècle avait déjà porté un rude coup à un patriotisme qui exprime l’affectivité du sentiment national. Au début du troisième quart de siècle, voici que les politiques économiques keynésiennes succombent sous le coup des chocs pétroliers et de quelques excès, et que le néo-libéralisme prend leur place. Aussi longtemps que ce libéralisme a restitué à l’entreprise la place qui lui revient de raison et de droit, que les principes d’efficacité, d’organisation et pourquoi pas, de productivité, ont été posés, que la fonction sociale des entrepreneurs a été assumée sans arrière pensée politique, et que les intermédiaires financiers sont restés au service de la production des biens et des services, cette alternance réformisme-libéralisme n’a pas démérité.

Mais ce néo-libéralisme, comme le communisme soviétique et le syndicalisme keynésien a versé dans l’excès. Il s’est disqualifié, pour très longtemps, le jour où il a assez vite glissé de l’efficacité au profit, puis du profit à la rentabilité financière, pour, ce qui était sans doute inévitable, ne garder qu’un seul objectif : l’accumulation de l’argent de plus en plus névrotique, surtout pour les vrais riches. Au-delà des vicissitudes actuelles des établissements financiers de tout acabit, ce néo-libéralisme d’autant plus facilement désintégré tous les codes moraux, que les sociétés de ce dernier quart de siècle avaient déjà senti les effets de la mort (définitive ?) des idéologies révolutionnaires fondées sur la réconciliation possible des êtres humains, et du recul des religions traditionnelles résistant mal à l’élévation du niveau de vie.

Le fameux rêve américain, l’argent comme valeur fondamentale, comme le seul objectif à poursuivre au mépris de tous les autres (voir la crise financière) a pour très longtemps perverti le monde occidental, mais aussi toutes les sociétés dites émergentes. Ces effets en seront multiples, économiques, sociaux, et, en premier lieu, moraux, les plus difficiles à contrôler. Il n’est pas exclu que les inégalités créées par cette mondialisation de la valeur de l’argent, dissimulant mal une agressivité généralisée (il faut en général prendre l’argent à d’autres) ne conduisent à des réactions autrement plus agitées que celles du passager du Keynésianisme au Néo-libéralisme.

Alain Cotta, Economiste Dernier ouvrage publié : Le Capitalisme, stade ultime du corporatisme (Fayard).

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