Les ailes du désir de Pierre Notte

/><b><span/La nouvelle pièce de Pierre Notte est grinçante et un rien burlesque. L’auteur invente son langage avec la langue française qu’il aime tant. Il joue des mots et se joue du public, moqueur et onirique dans sa mise en scène dérangeante.

Les cinq comédiennes interprètent le texte ciselé écrit sur le mode de la répétition comme si elles vivaient dans une réalité autre. Chaque personnage semble installer dans une seconde dimension. Le spectateur est surpris, médusé, par tant d’inventions et de poésie. Parfois, il est vrai, on est dérouté car le fil de ces tableaux successifs est comme une corde raide. Il peut se rompre à chaque instant. Notte revendique souvent une sorte de plagiat de Marguerite Duras, un des auteurs dont il se sent le pus proche. Son mode d’écriture ressemble en effet bien souvent à celui de Duras. Certes, son style bref, syncopé, le choix de chaque mot semble celui d’un être blessé qui ne s’est jamais relevé d’une enfance amère. Symptomatique :  une fois de plus Notte a écrit pour des filles, comme s’il se refusait à mettre en scène des garçons. La douleur serait-elle si forte ? Et ces filles jouent aussi bien des personnages de fillette, de mère que de père. Elles posent, elles minaudent, elles sont comme des images, des photographies en noir et blanc, des pantomimes. Pas si humaines que cela au fond.

Alors, il est difficile de raconter l’itinéraire contrarié de la jeune Marie, confrontée à un père et une mère sans grâce, dépourvus d’affection. Elle aurait voulu ne jamais être née, un peu à la façon de Cioran, habité par un pessimisme tragique. Et puis la mort est là qui se profile, car elle en est habitée, elle qui se coupe, se taillade le torse comme on s’ampute d’un trop plein d’amour. Notte revient de façon récurrente sur cet état qu’il pense être différent de la vie sans être son contraire… Les cinq demoiselles habillées de noir traduisent bien cette impression d’impuissance et de fausse naïveté qui s’échappent de leurs personnages iconoclastes. Elles occupent l’espace avec une vitalité digne des comédiens de Ionesco. Le public se tait, puis sourit et rit enfin. D’un rire mi figue mi-raisin. L’auteur de J’existe, foutez-moi la paix ! est comme ça : il ne prend jamais la vie ni les gens au sérieux. Marie, c’est lui, l’ange blessé, qui serre les fesses quand tout semble s’écrouler autour de lui.

« Mais quoi faire d’autre ? » s’interroge la Mort face à Marie qui vient de lui demander si la vie vaut d’être vécue. « Est-ce qu’il y a seulement autre chose à faire que ça dans la vie – la vivre et après avoir mis les jours les uns après les autres, l’avoir vécue ? » Cela me fait penser à ce mot d’Alfred Capus : « De quoi est mort untel ?  On ne sait pas. D’ailleurs, on ne savait pas  de quoi il vivait… ». Marie elle, sait tout le prix de la vie, une vie qui devrait la sauver de la mort quand elle se débarrassera de ses couteaux plantés dans son dos. Des couteaux comme des ailes. Des ailes du désir ?

Des Couteaux dans le dos
pièce de Pierre Notte, mise en scène par l’auteur,
au théâtre des Déchargeurs (Tél : 01 42 36 70 58).
Avec Jennifer Decker, Flavie Fontaine, Manon Heugel, Caroline Marchetti et Marie Notte.
Le texte est publié par L’Avant-Scène.

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