Rentrée littéraire: le nouveau Beigbeder

/><b><span/La publication d’un roman de Beigbeder pose toujours problème. Parce que le premier mouvement est de se dire « encore lui, ce Beigbeder que l’on voit partout, qui tient ses chroniques sur tous les plateaux télés, dans tous les magazines, l’écrivain, (ex) éditeur, enfant gâté et insupportable de la France. » Et puis dans un deuxième mouvement on se procure son livre parce que malgré soi, on ne peut s’empêcher d’aimer certaines choses chez lui, d’avoir apprécié certaines intuitions qu’il a un petit temps avant tout le monde, certains passages dans ses livres ou cet espèce de dandysme grinçant qui n’épargne personne.

Alors puisque Un roman français est sur tous les étals des libraires, saisissons cette occasion pour tenter de discerner plus avant ce qui incommode et ce qui plaît chez lui, et pourquoi.

Ce qui semble dominer chez Frédéric Beigbeder, ce qui force l’admiration autant que ça agace, est son côté enfant gâté qui gâche son talent. Des phrases, il sait en écrire, des idées, il en a et même de bonnes quand il se donne la peine (il fut le premier avec Windows on the world à s’emparer des attentats du 11 septembre qui connaissent maintenant un véritable engouement littéraire), mais, paresse ou dandysme, une fois jetées il devient incapable de les développer. A cet égard, le prologue d’Un roman français est significatif : « Je suis plus vieux que mon arrière-grand-père. Lors de la deuxième bataille de Champagne, le capitaine Thibaud de Chasteigner avait 37 ans quand il est tombé, le 25 septembre 1915 à 9h15 du matin, entre la vallée de la Suippe et la lisière de la forêt d’Argonne (…) Je descends d’un preux chevalier qui a été crucifié sur des barbelés de Champagne. » A la manière d’un Rousseau, d’un Chateaubriand, des grands auteurs qui l’ont précédé, Beigbeder ouvre son roman autobiographique en déployant sa généalogie et il peut à juste titre tirer une certaine fierté, du moins une assise (même si l’ironie qu’il instille fait prendre du recul « ce descendant de croisés a été condamné à imiter Jésus-Christ : donner sa vie pour les autres ») d’être l’héritier d’un poilu sacrifié pour (ou par ?) la nation.

Cependant, ce qui agace chez Beigbeder, c’est le dilettantisme mélangé à de la provocation puérile qui confond tout. Dès la deuxième page, il déraille en parlant de son arrière-grand-père sacrifié sur le champ de bataille d’une guerre, certes absurde mais qui n’en reste pas moins une guerre de nations, le comparant à « un kamikaze japonais ou un terroriste palestinien (…) sacrifié en connaissance de cause. » Comme si se projeter dans une voiture bourrée d’explosifs sur un marché ou bombarder des civils avait la même valeur que se battre contre une armée régulière. C’est absurde, Beigbeder le sait bien et on ne comprend pas vraiment l’intérêt de ce genre de phrases.

Le reste du livre est à cette image : beaucoup de phrases absurdes jetées comme des slogans publicitaires au milieu de réflexions qui, si elles étaient creusées, déroulées, si l’auteur s’en donnait la peine, pourraient être vraiment intéressantes. Mais au fond, Frédéric Beigbeder en est-il capable ? N’est-il pas qu’un être purement intuitif qui sent certaines choses mieux que les autres mais est incapable de les expliquer et de les illustrer ? Beigbeder a la formule facile, or le problème est que la littérature est justement l’inverse du slogan publicitaire. Mais après tout, peut-être ne sera-t-il jamais qu’un auteur de phrases et ses livres demeureront-ils à l’image de cette drogue dont il parle très bien : « la coke brûle l’héritage ; si j’écris sur elle c’est parce qu’elle symbolise notre temps. La cocaïne est dans mes livres (…) parce qu’elle condense notre époque : elle est la métaphore d’un présent perpétuel sans passé ni futur. » (p.99)

A quarante ans passés, Frédéric Beigbeder est toujours un enfant, immature, capricieux et superficiel comme il l’écrit lui-même, ce en quoi il symbolise notre époque et ce qui explique en grande partie son immense succès car les enfants narcissiques qui composent notre société n’aiment rien tant que regarder leur propre image, aussi pauvre soit-elle.

Frédéric Beigbeder, un roman français, Grasset , 280 pages.

1 Comment

  1. Le talent ne fait pas tout. Il semble bien que ça soit le cas chez Beigbeder. Il y a dans tous ces romans des éclairs de génie mais qui malheuresement ne font que passer. Mais son écriture désinvolte nous amuse malgré tout et si on lit du Beigbeder c’est aussi pour s’amuser

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