Magistrale et Monumentale, la nouvelle carte de visite du Centre des Monuments nationaux !

/><b><span/Avec ses couleurs pétaradantes jaune, rouge, vert et bleu, ses 490 pages et ses tout petits 2 kilos, la nouvelle carte de visite du Centre des Monuments nationaux est bien l’une des cartes les plus originales qu’offre aujourd’hui, par l’intermédiaire des Éditions du patrimoine, le Centre des Monuments nationaux.

100 monuments, 100 écrivains, l’idée, le titre de l’ouvrage ne relèvent pas, somme toute, d’une conception très originale.

Ce projet, tout d’abord, en rappelle un autre mis en chantier, en 2004, par Jean-Jacques Aillagon alors qu’il était au ministère : Passeport de la Culture. L’initiative consistait à faire parvenir à chaque Français atteignant sa majorité un passeport lui permettant de visiter gratuitement l’ensemble des monuments gérés à l’époque par Monum. Se présentant sous la forme d’un fascicule de 100 pages, ce sésame se voulait lui aussi séduisant et abondamment illustré. Il n’a finalement jamais pu voir le jour puisque son auteur quitta prématurément la rue de Valois.

Vouloir une nouvelle fois mettre en pleine lumière 100 des plus beaux monuments gérés par le Centre des Monuments nationaux témoigne non seulement d’un louable désir récurant, mais exprime sans doute aussi le souhait de satisfaire les visiteurs aux origines diverses qui fréquentent ces différents sites tout en cherchant à approcher une nouvelle clientèle.

Ce qui aurait pu devenir une nième et banale publication supplémentaire, se bornant à recenser quelques-uns des plus beaux sites de France, est devenu par les soins de son directeur éditorial, Adrien Goetz, maître de conférences en histoire de l’art à Paris-Sorbonne, un intéressant patchwork à la fois patrimonial et littéraire. Une centaine d’écrivains contemporains s’est rassemblée autour de ce projet. Avant la présentation pour chaque site ou monument d’une notice historique de circonstance, chacun d’entre eux a eu libre cours pour dépeindre tantôt un sentiment, une émotion suggérés au contact d’un l’édifice ou d’un lieu.

Résultat : une approche renouvelée, personnelle, toujours surprenante de monuments tellement inscrits dans l’environnement quotidien qu’ils ont perdu souvent pour beaucoup leurs attraits.

Ainsi Julien Santoni, jeune écrivain dont le premier roman date de 2008, imagine-t-il le dialogue nocturne des gargouilles de Notre-Dame de Paris, ou encore maître Emmanuel Pierrat qui traitant de la Sainte Chapelle conclut que les voies du Seigneur comme celles du Palais de Justice sont impénétrables !

À son tour, Robert Badinter offre au lecteur un très beau texte sur l’antique prison de la Conciergerie. Son émotion est telle que parmi les malheureux prisonniers, victimes de la période révolutionnaire, il en oublierait presque de citer Marie-Antoinette. S’il préconise sagement de faire enlever dans les cachots reconstitués les hideux mannequins de cire dont la présence racoleuse tue l’émotion, on ne saurait toutefois suivre son indignation jusqu’au bout lorsqu’il dénonce la piété du début du XIXe siècle qui a fait transformer le cachot de la Reine en chapelle expiatoire. À ce compte, combien des sanctuaires civils érigés par notre époque au rang de lieux de mémoire apparaîtront-ils désuets dans quelques lustres !

Entrés de diverses manières dans le domaine de l’État, ces sites et monuments n’ont pas forcément vocation à en sortir.

Frédéric Mitterand, venu, à la Conciergerie dans la salle des Gens d’armes, présider la soirée de lancement de l’ouvrage a préféré abandonner la lecture du discours officiel préparé par ses services pour se livrer à une réflexion plus personnelle en faisant part de ses convictions quant au devenir de ce patrimoine et de l’administration qui les gère. À l’unisson des vœux du Sénat et des cris d’alarme de la CGT, il a tenu à redire une position de principe : entrés de diverses manières dans le domaine de l’État, ces sites et monuments n’ont pas forcément vocation à en sortir.

Ainsi voulait-il mettre fin à la polémique portant sur le transfert de monuments historiques à certaines collectivités territoriales que l’article 52 du projet de loi de finances 2010 suscite depuis plusieurs semaines.

Pour autant, la situation actuelle ne nous offre pas en matière de conservation des monuments l’image pimpante du palais du prince charmant à Marne-la-Vallée.

En ces temps de crise le sort des églises et châteaux reste préoccupant.

Laissons tout d’abord à la présidente Isabelle Lemesle le bénéfice de son initiative. Tout en défendant aussi l’avenir de l’institution qu’elle dirige et qui péricliterait bien vite faute de vieux cailloux à entretenir, son 100 monuments, 100 écrivains, même si ce pesant manuel n’est pas très pratique à emporter avec soi pour partir à la découverte de ces trésors, permet de faire le point  sur le patrimoine actuel du Centre et de montrer le caractère universel de ces chefs d’œuvre d’architecture. Il convient de le reconnaître, l’État reste encore le meilleur garant d’une protection pérenne.

En second lieu, sans en minimiser totalement l’impact, même en temps de crise financière, l’argent public n’est pas le remède absolu contrairement à l’idée généralement admise.
Dans les années 80, alors que la Pologne se relève difficilement du marasme économique dans lequel le communisme l’a précipitée, la reconstruction du château royal de Varsovie, dont il ne restait pas pierre sur pierre, est décidée. Il n’en coûtera rien à l’État. Le gros œuvre, les décors intérieurs, la reconstitution des collections sont intégralement financés par les dons des Polonais eux-mêmes.

La population est rarement associée au devenir de ce patrimoine de proximité qui lui appartient peut-être plus légitimement qu’à d’autres.

L’administration aurait également avantage à s’inspirer de la pratique suivie par le Centre des Monuments nationaux. Celle-ci reste souvent trop éloignée de ces particuliers, véritables amoureux du patrimoine, prêts à s’engager pour sa sauvegarde. Certes, la cause du château de Varsovie, dynamité par l’armée nazie, symbole majeur de l’identité polonaise a su être attractive pour la nation tout entière, mais celle de ces cent monuments qui émaillent le territoire français, ou celle d’autres encore plus modestes qui constituent notre patrimoine rural, ne sauraient laisser indifférentes de bonnes volontés efficaces et généreuses. Par ignorance, ou en raison de la suffisance d’un certain esprit parisien, la population est rarement associée au devenir de ce patrimoine de proximité qui lui appartient peut-être plus légitimement qu’à d’autres.

Enfin, plus encore que le manque d’argent, l’idéologie reste de nos jours encore la plus grande des menaces. La funeste dichotomie héritée d’un enseignement partisan de l’Histoire à la suite de la Révolution française et des Lumières stigmatise trop souvent encore châteaux et demeures seigneuriales, églises et monastères.
Vieille lune que cela ? Croyez-vous !
Dans un récent article de l’Est Républicain écrit par Guillaume Mazeaud, sur le  projet de développement culturel et touristique du château de Lunéville, l’auteur veut opposer une fois encore, dans un antagonisme éculé, une droite passéïste amateur de châteaux et d’églises et une gauche avant-gardiste aux penchants iconoclastes. Il est vrai, commente notre chroniqueur, que la droite peut se satisfaire que la gauche rénove à grands frais un si beau joyau du temps des châteaux et des rois !

Mais comme ailleurs, trop souvent aussi, à Lunéville, l’incantation n’est pas seulement virtuelle et ne se limite pas à ces termes journalistiques.  La chapelle du château dont la réouverture est prévue pour le 16 septembre 2010 sera privée de son autel puisque, selon une source autorisée, sa présence empiéterait sur l’espace réservée aux concerts et aux autres spectacles, réduisant ainsi le nombre de places payantes et compromettant l’équilibre budgétaire des prochains exercices financiers !

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