Invictus ou Le Chant d’espoir

/><b><span/L’Humanité a besoin, afin de se construire, de mythes fédérateurs. De personnalités solides capables de rassembler les foules. Et de dissoudre les frontières du quotidien, ces barrières si souvent bâties sur le terrain de la haine. Avec Invictus, Clint Eastwood, en s’emparant de Nelson Mandela contribue à l’édification de l’individu.

Hollywood détient ce pouvoir inéluctable qui consiste à ériger un motif particulier en vérité universelle. Ou bien de grossir les qualités d’un homme en vue de le sanctifier. La tentation de l’hagiographie, ou pis encore de l’apologie, plane toujours au-dessus de ce type de productions.

11 février 1990. L’Afrique du Sud tremble sous les affrontements inters-ethniques. Après trente années d’emprisonnement Nelson Mandela est enfin libéré. La séquence initiale synthétise justement les antagonismes fondamentaux de cette société. D’une part la communauté noire, manifeste avec joie cette libération. D’autre part, les blancs régissent avec distance, méfiants à l’égard de cet homme qui pourrait bousculer leur confort de vie. Tant pis pour eux: l’Histoire est en marche.
Cinq ans après, un évènement autorise l’espoir. La coupe du monde de rugby est organisée sur le territoire. Mandela y a vu une opportunité unique, une chance inégalable. Celle de  renverser le cours des choses, d’unifier la nation sous un étendard et des valeurs unanimement célébrées.

À l’instar de Million Dollar Baby, le sport joue sans doute un rôle de révélateur. Eastwood n’a pas tant désiré réalisé un film sur la boxe ou le rugby que sur les relations humaines et la possibilité de contrer les pronostics négatifs. Car avec l’âge, le réalisateur gagne en humanisme et en confiance envers ses semblables. Cette équipe des Springboks, peu encline au départ à remporter le moindre match, brave avec aplomb les obstacles disséminés le long de sa route. À force de détermination et de volonté, Eastwood semble nous dire que tout est possible.

Véritable chant d’espoir, le cinéaste déploie une rhétorique visuelle relativement efficace. Les acteurs, de Morgan Freeman à Matt Damon assurent leurs parts avec brio. La mise en scène, un peu moins sobre que d’ordinaire, sert néanmoins le récit. Sans verser dans la démagogie vulgaire, Eastwood se laisse toutefois prendre à certains pièges. Bien qu’il serait injuste de le qualifier de simple exercice d’admiration, Invictus penche parfois vers la simplification massive de l’Histoire et vers l’emphase hyperbolique.
Malgré tout, le constat n’en demeure pas moins satisfaisant. L’ombre apologétique plane parfois sans jamais voiler complètement le récit. Combinaison de politique, d’Histoire et de destins individuels, Eastwood étonne encore par sa vivacité et par le souffle d’espoir insinué à chaque instant de son film. Le sport, le rugby en l’occurrence, permet cette brisure dans le déroulement de la morne banalité. Un affrontement sportif, sorte de célébration paîenne, exorcise les véritables luttes du jour le jour. Et une victoire autorise la rencontre de foules constiuées d’individualités diverses, capables pour une fois de chanter à l’unisson. Voilà ce qu’avait très bien saisi Mandela, et ce qu’a tenté de nous montrer Clint Eastwood.

Guillaume Blacherois

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