Met au Metropolitan Opera House à New York

/><b><span/Créée en 2007 au Covent Garden, cette production désormais mythique de La Fille du Régiment de Donizetti, s’installe au Metropolitan Opera House de New York pour la seconde fois.

Laurent Pelly est très inspiré par l’œuvre mais contrairement à d’autres de ses mises en scène plus délirantes (ses Offenbach), il reste assez sobre : pas trop d’accumulations de détails, pas d’anacronismes… Certaines scènes sont déjà cultes : Marie repasse pendant son premier air et à chaque coup de fer correspond une inflexion vocale, l’arrivée en char de Tonio à la fin de l’opéra, les fils pour étendre le linge avec les chemises des soldats qui apparaissent en mesure, etc… Laurent Pelly a conservé l’esprit géographique de l’œuvre puisque Tonio est habillé typiquement en tyrolien et une grande carte en toile de fond guide le spectateur sur le décor général.
Le premier acte représente la « cantine » de Marie, du moins l’endroit où elle repasse et épluche les pommes de terre avec en arrière-fond des montagnes. Le second acte se déroule dans une pièce du château et les seuls décors notables sont le piano et la cheminée d’où sort régulièrement l’intendant de la marquise.

Diana Damrau a la lourde tâche de succéder à Natalie Dessay et doit donc s’en démarquer. Elle garde le côté effronté et buté du personnage mais le rend très touchant notamment dans l’air qui conclut le premier acte « il faut partir », interprété avec une grande finesse. Elle évite de tomber dans l’écueil de l’hystérie, même dans le passage où Marie « craque » pendant la leçon de chant au second acte.  L’instrument de la chanteuse est d’une belle homogénéité et la musicienne semble la manier avec une grande liberté.

Juan Diego Florez a créé cette production et a fait partie de la distribution un peu partout. Il est reconnu comme le meilleur Tonio actuel (depuis L.Pavarotti) et il obtient toujours un immense succès dans l’air « Ah mes amis » dans lequel il enchaîne les contre-ut avec une facilité déconcertante. Il avait d’ailleurs créé un petit scandale il y a peu à la Scala quand il avait bissé l’air, tradition qui n’avait pas été pratiquée depuis 1933. Mais pas de bis ce soir malgré un public qui applaudit à tout rompre ! Scéniquement il se plie assez bien aux exigences du metteur en scène mais Florez finit toujours par faire du Florez, à savoir se mettre au bord de la scène et à chanter son air comme dans un concert. Si cela peut passer dans d’autres productions, ici c’est un peu plus gênant car on sait que dans une mise en scène de Laurent Pelly tout est réglé au moindre geste. Mis à part ce détail, le chanteur se montre à l’aise sur toute la tessiture.

Le rôle de la duchesse de Crakentorp est parlé et est donc confié à une figure populaire locale ou bien à une chanteuse mythique. Après entre autres Montserrat Caballe à Vienne, c’est à la grande Kiri Te Kanawa, accueillie par un tonnerre d’applaudissement, d’endosser le costume de la duchesse. La chanteuse est dotée d’une vis comica que ses rôles ne lui permettaient pas forcément de montrer. Elle est irrésistible dans son entrée en scène pendant laquelle un violon n’en finit pas de jouer la même ritournelle : elle va donc chanter avec lui, en essayant de varier le tempo alors que le violon continue imperturbablement. Quelques mesures chantées çà et là prouvent que la voix est encore là et garde toute sa magie.

Sulpice, chanté par Maurizio Muraro, ne laisse pas un souvenir impérissable et ne parvient pas à faire oublier l’excellent Alessandro Corbelli, habituellement distribué dans cette production. Ann Murray ayant malheureusement annulé sa participation, c’est Meredith Arwady qui chante le rôle de la marquise de Birkenfield. La voix n’est pas laide mais manque de stabilité et est parfois engorgée. Mais elle se montre crédible dans son rôle de fausse tante, accentuant le trait avec des effets de grosse voix dans les graves.
II faut saluer également le remarquable travail effectué par les chanteurs pour les dialogues parlés en français.

Marco Armiliato est excellent dans ce répertoire. L’ouverture est exécutée avec subtilité et le chef apporte régulièrement une touche d’humour supplémentaire à travers l’accent d’un instrument, un tempo ralenti : le duo du récit du sauvetage, par exemple, est dramatisé à l’extrême.

Cette production de La Fille du Régiment est un petit bijou qu’il ne faut surtout pas manquer d’aller voir et revoir, surtout si elle est servie par des rôles principaux aussi exceptionnels. On comprend mieux que les plus grandes maisons telles que le Met, le Staatsoper de Vienne, le Liceu de Barcelone, l’opéra de San Francisco se l’arrachent !

Manon Ardouin

À noter : Les représentations de Londres ont fait l’objet d’un dvd publié chez Virgin.
Cette production sera reprise au Covent Garden en mai 2010 avec Natalie Dessay, Juan Diego Florez, Alessandro Corbelli, Felicity Palmer…

Metropolitan Opera House à New York
Du 6 au 22 février 2010
www.metoperafamily.org/metopera

Photo Ken Howard/Metropolitan Opera House

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