Philippe Jaroussky : 10 ans déjà

/><b><span/10 ans ! 10 ans déjà que Philippe Jaroussky émerveille, envoûte, enchante un public de plus en plus nombreux qui s’est réuni ce soir à Gaveau pour lui souhaiter un anniversaire en musique ! Pour commémorer cette belle décennie riche de succès, le contre-ténor a réuni quelques-uns de ses plus fidèles partenaires ainsi que des artistes qu’il affectionne particulièrement.

La première partie se veut assez sérieuse et prend la tournure d’un récital classique. Fondé en 2002 par Philippe Jaroussky l’ensemble Artaserse est bien évidemment au rendez-vous et joue notamment deux airs qui marqueront longtemps les esprits. Tout l’art du chanteur s’y trouve là !

Dans « Sposa non mi conosci » extrait de Merope de G.Giacomelli, il use et abuse de notes éthérées, très douces dont il a le secret. Un véritable moment de grâce ! Dans « Si in ogni guardo » d’Orlando finto pazzo de Vivaldi, son compositeur de prédilection et celui qui l’a révélé, il prouve qu’il n’a pas de rival pour enchaîner les vocalises avec une précision redoutable. L’Arpeggiata, conduit par Christina Pluhar, entre en scène avec son entrain habituel pour des pièces instrumentales très rythmées.
La dia spagnola est une partition très intéressante de Nicolas Matteis (17ème) dans laquelle les instruments rentrent au fur et à mesure sur un tempo de plus en plus rapide et chaque pupitre a son solo : on remarquera la virtuosité époustouflante du violoniste. Lucilla Galeazzi, célèbre chanteuse populaire italienne, se produit très souvent avec cet ensemble et ils interprètent « Voglio una casa » : dans cette chanson, L. Galeazzi joue avec les couleurs de sa voix dans les nombreux « dididindi ». Les deux chanteurs s’unissent pour un très beau « Ah, vita bella ! » dans lequel Philippe Jaroussky apporte une touche de lumière. Ils sont rejoints par la danseuse Anna Dego qui se lance dans une chorégraphie très agitée, entrainant avec elle Philippe Jaroussky qui n’hésite pas à danser, achevant ainsi d’enflammer le public.

Philippe Jaroussky a concocté un programme surprise pour la seconde partie de ce concert, dont le fil conducteur est tissé par les apparitions de Mme Raymonde. Avec son humour décalé, elle place le concert sous un autre angle et n’hésite pas à entonner un duo avec le chanteur, duo qui s’achève sur une parodie d’air d’opéra dont la fin est une succession de vocalises langoureuses et interminables, « chantées » bien sûr par le comédien !  Philippe Jaroussky a tenté de s’échapper de son étiquette baroque avec son dernier disque « Opium », consacré aux mélodies françaises en compagnie de Jérôme Ducros. Les deux musiciens interprètent 3 mélodies dont A Chloris de Reynaldo Hahn : on ne pourrait rêver plus fine interprétation. Cette pièce demande une exécution assez proche du style baroque et le contre-ténor peut, par exemple, faire des notes très pures sur la montée d’ « ambroisie ».

Avant d’être le célèbre chanteur qu’il est aujourd’hui, Philippe Jaroussky se destinait à une brillante carrière de violoniste. Il reprend son instrument pour l’occasion et interprète la Médiation de Thaïs. Certes ses doigts sont un peu hésitants à cause du stress mais son jeu, son style ne sont pas sans rappeler son phrasé lorsqu’il chante. Il se montre nettement plus à l’aise lorsqu’il joue en duo avec Mme Raymonde !     Nicole Fallien, son professeur depuis toujours, est également de la fête puisqu’elle chante en compagnie de son protégé la Barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach. Les deux voix se marient bien ensemble même si cela peut paraître étrange qu’un contre-ténor s’empare de la partition d’Offenbach ! Mais la pureté de la voix de Philippe Jaroussky fait ici merveille et cette page fut rarement aussi charmeuse.      L’ensemble Contraste s’est rapidement fait un nom avec des interprétations de tango d’une grande intensité et d’une énergie redoutable. Ils sont rejoints par Karine Deshayes que l’on n’attendrait pas dans ce répertoire : elle s’en sort plutôt bien même si c’est assez étonnant d’entendre « El dia que me quieras » par une femme. Philippe Jaroussky chante avec eux « Maria » de West side Story, dont l’interprétation est plus discutable.

Que dire de cette soirée si ce n’est qu’elle fut magique, émouvante et à l’image de ce chanteur aux vocalises pyrotechniques impressionnantes qui a su devenir un très grand musicien au cours de ces dix années. Philippe Jaroussky est un phénomène vocal, certes, mais il a développé sa musicalité, son expressivité et il a réussi à être un musicien complet, capable d’arracher des larmes mais aussi de briller par sa virtuosité. Ce concert prouve également qu’il conduit sa carrière avec intelligence car il a préservé son instrument en parfait état, malgré la fragilité de ce type de voix.

Jeannine Hauchard

10 ans de carrière de Philippe Jaroussky avec Arstaserse, l’Arpeggiata, l’ensemble Contraste, Karine Deshayes, Mme Raymonde, Nicole Fallien, Jérome Ducros, etc…
24 octobre 2009
Salle Gaveau Philippe Maillard Productions
www.concertsparisiens.fr

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