Roberto Alagna et Nathalie Manfrino

/Le 4 juin 2010, le public était au rendez-vous au Théâtre des Champs-Elysées pour retrouver le ténor Roberto Alagna dans l’un de ses opéra-fétiches, Roméo et Juliette de Gounod, en compagnie de la soprano Nathalie Manfrino.

Au lieu d’un habituel concert composé d’une succession d’airs et de duos d’opéras entendus maintes fois, les deux chanteurs ont interprété les grandes pages de l’opéra de Gounod. Cette oeuvre, pourtant un des joyaux du répertoire lyrique français, est trop rarement montée en France et ces derniers temps, il fallait aller à Vienne, à Munich ou encore à Los Angeles pour pouvoir entendre cette partition !

Roberto Alagna a laissé plusieurs témoignages de son excellente interprétation du héros shakespearien : un DVD capté au Covent Garden avec Leontina Vaduva, un CD enregistré sous la baguette de Michel Plasson… Depuis, il a délaissé ce personnage pour s’aventurer dans des rôles moins avantageux pour sa voix et l’évolution de son instrument, et cela s’en ressent maintenant.
La première partie du concert le met plusieurs fois en difficultés, notamment dans les aigus de « parais » dans « ah lève-toi soleil », et laisse entrevoir quelques problèmes de justesse. Depuis quelques temps il use et abuse de la voix de tête, effet peut-être défendable dans les chansons italiennes ou de Luis Mariano mais pas dans l’air si pur «Va, repose en paix », air auquel il savait apporter tant de musicalité et d’émotion autrefois.
Il se ressaisit à partir du troisième acte dans lequel on retrouve un Alagna plus engagé, plus exalté.

Nathalie Manfrino campe une Juliette tout à fait crédible : elle possède la fraîcheur vocale nécessaire au personnage, son timbre est intéressant et particulier malgré un léger voile qui s’installe au fur et à mesure de la soirée. Techniquement, le rôle de Juliette ne lui pose aucune difficulté et on remarquera la justesse et la précision de ses vocalises dans la valse « ah je veux vivre ».
Elle se montre également très convaincante dans l’air du breuvage souvent coupé « amour, ranime mon courage » : elle chante cette page avec une belle énergie et trouve de jolies couleurs, aidée en cela par l’orchestre, dans la phrase « verse… ».

Difficile dans ce genre de concert de trouver des bis adéquats ! Nathalie Manfrino reste fidèle à Gounod en chantant avec brio l’air des bijoux de Faust, morceau qui l’a fait (re)connaître sur les scènes internationales. Roberto Alagna interprète Elégie de Massenet, en compagnie d’un violoncelliste : cette mélodie n’est pas vraiment le répertoire habituel du ténor et on peut noter quelques fautes de goût.

L’orchestre national de Belgique est conduit par l’excellent David Gimenez Carreras, neveu du célèbre ténor : il livre une interprétation très inspirée de l’opéra de Gounod. Le passage orchestral reprenant le thème de « va repose en paix » est sûrement le plus beau moment de la soirée car il distille chaque note une à une sur un crescendo tout en adoptant un tempo très lent.

Roberto Alagna, plébiscité par le public, déçoit toutefois en comparaison de ses premiers Roméo. Nathalie Manfrino, en revanche, continue à prouver qu’elle est la soprano du moment et que sa jeune carrière est promue à un bel avenir sur les scènes internationales.

Manon Ardouin

Théâtre des Champs Elysées

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