La vengeance du rosé

* Par Michel Dovaz

/L’a-t-on assez vilipendé, ce galeux, ce pelé, ce minable. Une boisson qui a tous les défauts : « ce n’est pas du vin » dit-on, ou encore « seuls les timides boivent du rosé, car ils sont incapables de choisir entre le rouge et le blanc », ou pire encore : » le consommateur de rosé est un ignorant car il préfère un vin « passe partout » à ceux qui autorisent de savants mariages mets et vins ».

Ces arguties, parfois fondées sont puériles. On pourrait dire d’autres choses, moins discutables, par exemple que la complexité des vins rouges est supérieure, que les rosés vieillissent difficilement, donc qu’ils ignorent les arômes tertiaires tant prisés des oenophiles. Moins prosaïquement, les rosés n’apparaissent pas dans les caves prestigieuses, ils ne sont jamais les vedettes des ventes aux enchères et leurs prix sont modiques….
Mais il s’agit d’un faux problème. Il n’est pas question d’être le plus cher ou le plus rare, même si l’intérêt des journalistes et de la presse spécialisée est captivé par ce type de vin.

Depuis quelques années, la crise du marché vinicole touche durement les producteurs (le micro-marché des grands crus n’est pas concerné) et l’inexorable baisse de la consommation ne pousse pas à l’optimisme. A une exception près, la progression régulière du marché des rosés qui désormais, en France  dépasse celui des vins blancs.
Comment cela se peut-il ?

Il n’est pas possible en quelques lignes de répondre à cette question qui relève autant de la psychologie des acheteurs que de leurs disponibilités financières et des évolutions des comportements alimentaires, mais il est bon de rappeler qu’historiquement les vins rouges peu teintés sont largement antérieurs aux rouges modernes fortement colorés qui succèdent au « claret », à Bordeaux dès le XVIIIem siècle. Il n’est pas impossible qu’il reste dans l’inconscient collectif populaire l’idée que le vin rosé naît d’insuffisances techniques qui a nuit à l’élaboration d’un vin rouge. Ce serait une grande erreur puisque Philippe le Bel (déjà) buvait du vin de Tavel volontairement rosé et non  pas rosé par défaut. Cette tradition ancienne explique pourquoi la France est aujourd’hui le premier  producteur mondial de rosés.

C’est aussi pourquoi le France est le seul pays à avoir créé un Centre de recherche et d’expérimentation sur le vin rosé à Vidauban, dont on a fêté le dixième anniversaire en 2009.
Ce centre, très bien équipé contribue à l’amélioration des rosés et fixe des normes qui en facilite l’étude et la production. Par exemple, la couleur, si importante dans ce type de vin est définie par des nuanciers dont on peut apprécier la subtilité sur le site « centredurose@wanadoo.fr ».

Rappelons qu’il existe différents rosés :

Le rosé issu de cuvaisons courtes (proche des vinifications « en rouge »
Le rosé de pressurage  (proche des vinifications « en blanc »)
Le rosé d’assemblage (champagne rosé)
Le rosé de poulsard (vinification par cuvaison d’un raisin rose –Jura)
D’autres vinifications sont à considérer : raisins blancs et noirs mêlés, vinification
en barriques, élevage dans le bois ou/et sur lies, avec ou sans fermentation malolactique (ou partielle), avec sucre résiduel (muté, Anjou et Saumur) méthode taveloise (incorporation de vin de presse non fermenté), etc.

La diversité des rosés français est d’autant plus grande qu’on en produit partout, donc sur des terroirs très nombreux via plusieurs dizaines de cépages.
Seules deux AOC sont exclusivement réservées à des vins rosés : Tavel et rosé des Riceys.
Pour terminer, deux « Cotes de Provence » issus de très grands vignobles :
Le premier, Château Cavalier, de Castel .140 ha. Ne produit que du rosé, mais plusieurs cuvées,
Le second, le Château de Berne,  600 ha dont près de 100 ha de vignes. Rouge, blanc, rosé, nombreuses cuvées
Tous deux vendangés à la machine. Vinifications soignées.

** Michel Dovaz est l’un des plus grands journalistes du vin en France. Son dernier ouvrage : Millésimes, éditions Assouline.

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