Inception

/Edgar Morin, sociologue et philosophe, dégagea avec justesse toute l’ambivalence sur laquelle repose le système hollywoodien. Selon lui, l’ensemble gravite autour d’un couple a priori antithétique : « création-standardisation ».
Terrain privilégié de la recette répétée jusqu’à l’épuisement, et en même temps, sphère d’où émanent de véritables œuvres singulières. Hollywood est à la fois tout et son contraire.
Le dernier-né de Christopher Nolan renvoie indiscutablement à cette analyse du sociologue. Complexe, élaboré, et pourtant saturé de spectaculaire, Inception combine gigantisme ronflant et originalité évidente.

Mais de quoi s’agit-il ? Assez difficile à résumer. Dom Cobb (alias Leonardo DiCaprio), parvient avec son équipe à s’infiltrer dans le subconscient des gens afin d’y semer des idées.
Cette opération, l’inception, reste malgré tout délicate. Chaque individu, lesté du poids de ses expériences, de son vécu et de ses craintes, risque à tout moment de faire échouer le projet.

La tension entre rêve et réalité est évidemment palpable. Les personnages, dont surtout Cobb, restent en proie à de violents dérèglements. Ces incessants voyages, du quotidien éveillé aux limbes obscures des songes, éclatent leurs repères. Où se cache la vérité ? La réalité n’est-elle pas un simple rêve ?

L’intrigue tissée par Nolan, touche à des questionnements fondamentaux. La propension des hommes à se mentir. Leur capacité de nourrir leur imaginaire pour mieux fermer les yeux sur leur propre réalité. Mais aussi la schizophrénie en germe chez chacun d’entre nous, due à cette perpétuelle confusion entre réel et virtuel.
Nolan s’amuse au départ de ce chaos de la conscience, en tentant de dérouter le spectateur et pour lui renvoyer en pleine face ses propres incertitudes. Mais à mesure que la fiction se déroule, la lumière devient un peu trop évidente. Si l’ensemble démarre loin des cadres ordinaires des productions hollywoodiennes, il en emprunte néanmoins par la suite les sentiers balisés.

Alourdi par un déluge visuel, l’histoire perd de son authenticité. Bien que les effets soient réussis, ils desservent une œuvre qui se souhaitait tournée vers les méandres de l’intériorité. Un glissement s’opère en direction du film d’action, gorgé de ralentis et d’explosions tonitruantes. Et malheureusement bien éloigné de ses velléités premières.
Alors, il en ressort une impression contrastée. D’abord la surprise, voire la déroute. Puis, des saveurs déjà senties, des images déjà aperçues.

Entre répétition et singularité, le film montre audace et faiblesse, et démontre une nouvelle fois l’ambivalence de la machine à rêves hollywoodienne.

Guillaume Blacherois

Inception, de Christopher Nolan. Avec Leonardo DiCaprio, Marion Cotillard, Michael Caine. Sortie nationale le 21 juillet 2010.

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