Célébrer le patrimoine : oui, mais quel avenir ?

/Dans quelques jours, une nouvelle fois, le Ministère de la Culture et les médias annonceront des chiffres record de participation aux fêtes du Patrimoine, cuvée 2010.
Le Gouvernement, les médias tiendront-ils compte de la signification d’une telle affluence et accepteront-ils d’en tirer enfin les conséquences élémentaires ?

Car, en effet, le succès de cette initiative ne se dément pas au fil des années, bien au contraire. Les Français seraient-ils, à ce point, fiers de leur patrimoine, fiers de leurs églises, fiers de leurs châteaux ? Car ce sont bien ceux-là les monuments vers lesquels ils se ruent le plus, durant ces deux jours de septembre.
En franchissant le seuil de quelques-uns l’un d’entre eux, célèbres ou méconnus des visiteurs, ces mêmes Français seraient-ils avides d’un contact « charnel » avec leur histoire, avec leurs racines ?

Et ces touristes d’horizons si divers seraient-ils  également admiratifs de la France d’autrefois, de ses paysages millénaires sculptés par la peine des hommes, de sa culture qui culmine avec le rayonnement du Grand Siècle ou celui du temps des cathédrales ?

On nous explique depuis si longtemps que tout cela n’est pas possible, que la geste de nos aïeux est méprisable, couvrant une quantité de crimes abominables, accomplis par des chefs aussi sanguinaires que libidineux.

On nous explique depuis si longtemps que toutes ces traditions, ces vieilles croyances ne sont que balivernes, mensonges, égarements de l’esprit.

On nous rabâche à présent que l’histoire ne sert à rien, que l’apprentissage du grec et du latin sont nocifs à l’avenir de nos enfants et encombrent leurs jeunes cerveaux de connaissances inutiles.

Mais que vont-ils donc faire dans cette galère ces millions de visiteurs ?

Notez que dans peu, le flot pourrait se tarir.

Au rythme actuel, dans moins d’une génération, hellénistes et latinistes seront si peu nombreux qu’il ne se trouvera plus personne pour accéder à la culture antique ou à celle de la Renaissance. Erasme comme Cicéron ne seront plus intelligibles, sinon à une toute petite caste d’originaux qui se seront bien gardés d’écouter les sirènes d’aujourd’hui.

Quant aux édifices qui sera là pour les entretenir ? L’État impécunieux y aura renoncé, quant aux propriétaires privés, ils seraient bien fous de continuer à s’échiner comme ils le font.

Pour ma part, je veux rester optimiste malgré le vacarme du matraquage médiatique, les sonorités de la crétinisation des masses, ou l’ampleur de l’appauvrissement des programmes scolaires. Car chaque année, la fête du patrimoine, démonstration de masse, devient une célébration du bon sens, celui du commun des mortels, qui pousse cinq millions, et dans quelques années pourquoi pas dix, d’entre nous à s’extasier devant la flèche d’une cathédrale, un jardin à la française, les pierres appareillées d’un vieux manoir, la lumière mystérieuse de Georges de La Tour ou les sculptures en rond de bosse de Germain Pilon.

Oh, il y aura toujours des imbéciles, des récalcitrants, parfois même des vandales qui ne chercheront jamais à intégrer les valeurs de la civilisation. La barbarie, l’idéologie vont continuer à faire des ravages, et, dès la semaine prochaine, les consciences vont se rendormir pour un an à nouveau.

Mais puisqu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, il se pourrait bien que dans leur excès d’autisme les faiseurs d’opinion deviennent un jour muets et laisse enfin respirer les admirateurs du génie français.

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