Le Dernier exorcisme

/Une fois n’est pas coutume : j’ose écrire sur un film.
Sur un film ? Plutôt sur le sujet d’un film : la conception du diable à l’écran, thème exploité et revisité depuis l’invention du cinématographe !
Le Dernier exorcisme,
film du cinéaste allemand Daniel Stamm (né en 1976), n’a pas beaucoup de chances de marquer l’histoire du 7e art.

Auteur en 2008 de A Necessary Day (l’histoire d’un adolescent désireux de mettre fin à ses jours), Stamm mérite mieux que ma pauvre plume, bien que son dernier opus ne soulève guère l’enthousiasme. Je ferai l’impasse sur mes impressions personnelles, donc subjectives et arbitraires, inspirées par ce faux remake de L’Exorciste.

C’est une montagne accouchant d’une souris ! Comment quatre producteurs américains ont-ils réussi le tour de force de réunir assez d’argent pour boucler un projet si quelconque ?

D’un point de vue stylistique, ce film est basé sur la technique du ‘reportage’ : une caméra sur l’épaule du réalisateur, à l’instar d’un reporter de guerre ; quand je songe au terme de « kubrickien » utilisé par des journalistes en herbe, en référence à Shining du maître Stanley, j’en frémis !
Depuis Steven Spielberg et son armada hollywoodienne (Faut-il tuer le Soldat Ryan ?), la technique est connue, éculée, surreprésentée, dans tous les genres, ou presque, à commencer dans le film d’horreur, psychologique, ou simplement sanguinolente (le divertissant Blair Witch Project)…

Pourquoi tenter de refaire ce qui a déjà était infiniment mieux fait ?

Le scénario n’a rien d’original ni de brillant : l’ensemble constitue une platitude monumentale et une mosaïque de poncifs : maison isolée, adolescente névropathe, inculture religieuse de l’entourage familial et social, jeux approximatif des acteurs, effets spéciaux inutiles ou redondants, musique stridente, intensifiée au moment du ‘coup de théâtre’, etc. On aurait pu s’y croire, mais nous n’y sommes pas une seconde !

La chute, avec la scène du sabbat avec explosion finale, comme un hangar de dynamite et dramaturgie biscornue, est pour le moins convenue. J’ose dire qu’elle est vaine et ridicule ! Pour trois raisons au moins :
– Il ne faudrait pas circonscrire la vie religieuse américaine – celle du deep south en ce cas (Louisiane) – à un combat irrationnel entre les forces du bien et les forces du mal, même si la classe politique a donné le ton autrefois du côté de Washington ;
– Pourquoi faire des cajuns un ramassis d’incultes et de citoyens dangereux et violents ? Une très large part de la musique populaire contemporaine n’est-elle pas le rejeton de ce coin d’Amérique (blues, gospel, etc.) ?
– La confusion des genres ne fait rien avancer. Pour quelle raison avoir fait du brave pasteur local le gourou d’une terrible secte satanique ?

C’est la peur qui pousse à voir un tel spectacle : une peur induite par l’intrusion de l’irrationnel dans notre monde cartésien. Le Dernier Exorcisme ne provoque ni peur ni terreur mais un ennui lancinant, une langueur soporifique, comme si le spectateur connaissait la fin avant la première scène. Cela porte un nom terrifiant : du déjà-vu !

Ici, on ne sent ni le soufre ni les flammes. L’enfer est loin, bien au-delà de ces démons en plastique. On aurait voulu des diables et des diableries, des vraies : un cauchemar comme l’art gothique, Dante et Huysmans l’avaient sculpté dans le marbre de l’imaginaire. Ici, c’est le royaume des erreurs ‘démonologiques’ auxquelles un élève (informé) de classe de troisième ne se laisserait pas prendre : on n’a jamais vu une ‘possédée’ dire à son hôte invisible de venir jusqu’à elle ! Et un exorciste croit-il en ce que raconte l’Adversaire puisqu’il est, précisément, le « père du mensonge » ?

Stamm ouvre pourtant une piste, mais sans l’exploiter : la psychologie. Il évoque l’incertitude scientifique possible entre possession diabolique et déséquilibre psychique.
La ‘victime’ du démon aurait-elle été abusée par son propre père, personnage errant, introverti, tyrannique, moralement insupportable et religieusement extrémiste et, de surcroît, correctement alcoolique ? Telle est la question de fond posée par ce film. Freud rapprocha la figure démoniaque et le père voici plus d’un siècle !

Ce film, c’est le prince des ténèbres sans cornes ni fourche : un héros de comics, qui n’effraie que lui-même, bien trop inoffensif pour tenir le rôle de Satan, un gadget médiatique, sans épaisseur culturelle ni consistance spirituelle, à 10 000 lieux des terreurs collectives qui étendirent leur ombre sur l’Europe du XVIe siècle. Certains songeront peut-être à L’Exorciste de William Friedkin (1973), voire à Rosemary’s baby de Roman Polanski. C’est dire à quel point notre mémoire fait défaut !

Dernier élément : voici un divertissement dont le réalisateur réalise tout de même un tour de force : ne faire tourner aucune femme ou homme de couleur alors que l’action se déroule en Louisiane !

Le Dernier exorcisme, film de Daniel Stamm, avec Patrick Fabian, Ashley Bell, Iris Bahr, etc. (Etats-Unis, 2010).

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