Capes d’arabe : une génération d’enseignants sacrifiés

Par Pierre-Louis Reymond*

/Notre système éducatif compte, on le sait, parmi les rares systèmes éducatifs du monde où l’on fait autant de place à la diversité dans les disciplines enseignées. Ainsi, notre éducation nationale est la seule en Europe à proposer un enseignement de la langue arabe de l’école primaire à l’université.
Dans un contexte où faute de connaissance du monde arabe et de sa culture, ces derniers sont souvent l’objet de nombreux stéréotypes et d’informations erronées, la spécificité de notre enseignement ouvre une fenêtre susceptible de contribuer fortement à améliorer notre compréhension et notre regard sur une région du monde qui, pour la France, constitue un partenariat économique essentiel.

Pourtant cet enseignement est en danger.

Comment, aussi, pour le volet diplomatique, ne pas se souvenir de ce que le Général de Gaulle appelait, en son temps, la politique arabe de la France, point de départ de l’originalité de notre diplomatie au Moyen-Orient qui aura toujours consisté à faire entendre notre voix pour faire triompher la justice sans craindre d’encourir parfois le blâme de nos alliés traditionnels…
Notre éducation nationale est la seule, en Europe, à proposer un enseignement de la langue arabe de l’école primaire à l’université disions-nous…mais pour encore combien de temps ?

La décision de fermer le capes d’arabe à la rentrée 2011 n’est pas sans poser un problème grave. Aujourd’hui, tout et le contraire de tout circule sur la civilisation arabo-musulmane. Aujourd’hui, s’imposent des préjugés tenaces nourris par une désinformation criante- qui bien souvent prend sa source dans le manque d’information des médias eux-mêmes, quand ceux-ci ne s’évertuent pas de manière délibérée à répercuter des faits dont on mise sur les records d’audience qu’ils enregistreront au mépris souverain de leur pertinence. On le voit en ce moment avec l’appel de ce pasteur américain à brûler des exemplaires du Coran pour commémorer le 11 septembre…

En garantissant une formation de haut niveau qui permet à ses enseignants d’éduquer leurs élèves à l’ouverture d’esprit et à la culture indispensables à la compréhension d’une civilisation avec laquelle nous devons désormais compter, l’éducation nationale joue un rôle primordial. Elle est un rempart contre les canaux privilégiés de diffusion d’un enseignement parallèle, dont le contenu et la formation ne sont ni soumis au recrutement par concours, ni à l’évaluation indépendante des corps d’inspection. Sait-on ainsi que les cours d’arabe dispensés en France par un secteur associatif, le plus souvent confessionnel, rassemblent plus de 60 000 élèves, alors que l’école de la république n’en compte guère plus de 7000 ?

Le 3 décembre 2007, le président de la République Nicolas Sarkozy, devant les chefs d’entreprise français et algériens, déclarait ceci :
 » En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute expression de racisme, toute forme d’islamophobie, toute forme d‘antisémitisme. Quand on menace un Arabe, un Musulman ou un Juif en France, on menace la République. Le racisme, l’islamophobie, l’antisémitisme ne s‘expliquent pas, ils se combattent. (…) Il n’y a rien de plus semblable à un antisémite qu’un islamophobe. Tous deux ont le même visage, celui de la bêtise et celui de la haine. »

Le 9 Octobre 2008, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le Président de la République réunissait sous son haut-patronage les 1ères assises de l’enseignement de la langue et de la culture arabes.

Fin 2009, la fermeture du capes d’arabe, l’un des deux principaux concours de recrutement des enseignants de la discipline, était officialisée…

Je vous laisse mesurer l’écart de la contradiction entre les déclarations d’intention et la réalité du terrain…

*Pierre-Louis Reymond
Agrégé de langue et littérature arabes
Membre du jury de l’agrégation d’arabe

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