Captifs ou Le pari du film de genre

/Depuis ses premiers bégaiements, l’histoire du cinéma reste indiscutablement liée à la peur. Déjà, lorsque les frères Lumière proposèrent leur célèbre Arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1896), les spectateurs furent pris de panique devant le réalisme manifeste du monstre de vapeur et d’acier.
Réaliste, Captifs se veut aussi un film d’atmosphère – difficile à supporter.

Plus d’un siècle après, outre les moyens dont dispose l’industrie, les choses n’ont pas tellement évolué. Et même si les foules ne sont plus aussi dupes qu’en ces instants de naissance du médium, elles n’en demeurent pas moins friandes de sensations fortes.

Conscients du pouvoir effectif de l’image, les créateurs usent, et trop souvent abusent de formules, fomentées dans l’unique but de provoquer le frisson parmi l’assistance. Dès lors, rares sont les réussites éclatantes en vue d’une production pourtant foisonnante.

Pour son premier long métrage, Yann Gozlan prit donc le pari osé du film de genre. Périlleux car perpétuellement ressassé. Chaque mercredi de sorties, l’histoire se répète. Hollywood et d’autres refourguent leurs produits, rapidement conçus, faiblement construits et flattant de surcroît nos bas instincts.

Qu’en est-il alors de Captifs ? Se détache-t-il de cette masse informe de réalisations pauvres et ennuyeuses ? Mérite-t-il une quelconque attention?

D’un point de vue scénaristique sans doute pas. Comme à l’accoutumée, le schème narratif déployé est simpliste. Carole, et deux de ses collègues, après la fin de leur mission dans un hôpital des Balkans, décident de quitter le territoire. Mais bien sûr, le voyage ne va pas se dérouler comme prévu. Suite à une déviation routière, le trio emprunte un autre chemin. Raccourci dont jaillira, et le spectateur le sait d’avance, la source de leurs ennuis à venir.

Mais si l’intrigue semble peu subtile et néanmoins crédible, l’intérêt du film repose ailleurs. A cette histoire a priori peu passionnante, Grozlan est parvenu malgré tout à donner un souffle, une véritable énergie tissée au travers de propositions esthétiques et formelles assez convaincantes.
Le jeu sur les bruitages (accélération du rythme cardiaque d’un prisonnier trahissant son stress ; longs silences des prisonniers, symboles de leur état de désespoir…), les alternances de clairs-obscurs ainsi que l’insistance sur les visages, porteurs des stigmates du traumatisme de leur expérience, participent à la rhétorique du film, et à son éloquence notoire.

Enfin, fait assez rare pour le souligner, tout ne sombre pas dans une débauche de violence insupportable. Bien que certaines séquences soient dures à supporter, l’ensemble procède de l’installation d’un climat. D’une atmosphère anxiogène au creux de laquelle les otages et le public manquent d’étouffer.

Écho à l’actualité récente, où chaque jour des innocents deviennent les proies malheureuses de quelques détraqués, Captifs n’en est pas moins un divertissement au sens plein du terme. Un moment de spectacle, d’intensité certes inégale, mais qui réussit à certains moments à rendre palpables la folie des hommes et les affres de la claustration.

Guillaume Blacherois

Sortie nationale le 6 octobre 2010. De Yann Grozlan. Avec Zoé Félix, Arié Elmaleh, Eric Savin.

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