Les Reines

/Une belle langue, une réelle théâtralité, une inspiration  shakespearienne et… un auteur contemporain. L’alchimie semble difficile à réaliser. Pourtant, cette gageure a été relevée par Normand Chaurette, auteur dramatique québécois. Honneur à la francophonie !

Janvier 1483.
Au centre de la scène, une robe. Une robe de Reine. L’objet de toutes les convoitises mais surtout, le point de focalisation du destin de six femmes au coeur de la tempête; les éléments se déchaînent et le drame politique se noue.
Tandis que se meurt le Roi Edouard et que le futur Richard III oeuvre à la perte de ceux qui l’éloignent du trône, la vie des femmes du palais royal connaît un bouleversement total. Chacune tente avec l’énergie du désespoir de ne pas sombrer dans l’oubli de l’Histoire et ourdit de sombres desseins pour devenir reine d’Angleterre.

Normand Chaurette est écrivain et auteur, entre autres, de Rêve d’une nuit d’hôpital (publiée en 1980) ; Provincetown Playhouse, juillet 1919, J’avais 19 ans (1981), Fêtes d’automne (1982) ; La Société de Métis (1983) ; Fragments d’une lettre d’adieu lus par des géologues (1986) ; Les Reines (1991) ; Je vous écris du Caire (1994) ; Le Passage de l’Indiana (pièce créée dans le cadre de la cinquantième édition du Festival d’Avignon en 1996) ; Stabat Mater I (1997)…

L’exigence de la langue, avec une belle versification, et la densité de la théâtralité renvoie à son travail de traducteur de Shakespeare. Les Reines puise l’inspiration au coeur du drame shakespearien, mais on y reconnaît un petit rien du drame romantique, dans la veine de Ruy Blas.

« J’ai régné dix secondes
Et j’ai vu ce que je voulais voir
Je me suis élevée
Sur le sort impitoyable du monde
Et j’ai eu le sentiment bref
De pouvoir le corriger
Dressée au point de trouver
Mon siècle minuscule
De lui parler pour ce qu’il vaut
Et pour ce que ses enfants vaudront
Mon destin m’a permis
De régner avant de mourir. »

/Reines déchues, reines en sursis, futures reines… Les six femmes se débattent sur la scène tandis que les hommes, invisibles, impriment de leur marque ultime le destin de ces « reines ». La grande Histoire ne masque pas l’humanité et les tourments propres à la féminité : le refus de vieillir, la maternité, l’ambition, la conjugalité subie…

La compagnie féminine Pourquoi pas ? (pourquoi pas, en effet, une compagnie de femmes) a choisi une scénographie, à la fois sobre et dense, faisant surgir avec force ce drame historique et humain. Le jeu des comédiennes est convaincant quoique parfois un peu inégal.
Les Reines demeure une pièce d’une rare exigence. Alors, pourquoi pas entreprendre le voyage jusqu’au Théâtre 12 ?

Les Reines
Jusqu’au 6 février
Mise en scène : Aude Ollier.

Avec : Sophie Cartier Dodds, Soizic Fonjallaz, Eve Herszfed, Franka Hoareau, Aude Ollier, Caroline Valentin.

Théâtre 12 – Maurice Ravel
6, Avenue Maurice Ravel
75012 Paris.

www.theatredouze.fr
www.lesreines.com

Photos : © Fabrice Dimier.

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