Le dernier des Templiers

/Les Templiers, religieux et militaires, moines-soldats au service du Christ, sont sortis de l’histoire au XIVe siècle, par le désir conjoint du pape et du roi de France.
Ils restent aujourd’hui un sujet de fantasmes. Sont-ils détenteurs d’un secret (avec un S majuscule) ? Les « maîtres secrets du monde » ? Des anges condamnés au bûcher de la vanité et de la sottise ? Ou de simples mercenaires assoiffés de sang et d’or ?

Les Templiers furent les rejetons de Bernard de Clairvaux, mort en 1153. Ce grand personnage du XIIe siècle ne comparait-il pas les contemplatifs à des combattants spirituels ? En disparaissant du champ social, par l’exécution de Jacques de Molay, leur dernier supérieur, les Templiers laissèrent libre cours au champ du délire. Le trésor de l’ordre avait-t-il été caché ?

Après Neaufle-le-Château et le Da Vinci Code, voici Le Dernier des Templiers. Changement de registre ? Changement de braquet intellectuel ? Assurément non ! Voici une illustration ratée d’un mythe devenu tarte à la crème.

L’œuvre a été mise en scène par Dominic Sena, co-fondateur de Propaganda Films, qui débuta sa carrière en réalisant des clips pour Sting, David Bowie et Janet Jackson. Il mit en boîte plusieurs longs métrages dont Kalifornia (1993) avec Brad Pitt et  60 secondes chrono. En 2001, il fit tourner John Travolta dans Opération Espadon.
Aujourd’hui, il travaille avec Nicolas Gage et Ron Perlman (l’homme simiesque dans La Guerre du feu d’Annaud puis moine inquiétant dans Le Nom de la Rose), deux acteurs magnifiques.
Voilà pour le côté positif du film ! C’est court. Oui, mais vrai !

Quant au reste, quelque chose domine dans ce bric-à-brac de l’horreur : erreurs, approximations et contre-sens historiques. Jugeons-en plutôt :
Premier point : le Moyen-Âge (ce vocable est flou car il désigne un millénaire au cours duquel les sociétés ont beaucoup changé) n’a pas conduit au bûcher autant de sorcières qu’on le croit. Les années 1500/1680 furent bien plus cruelles.

Confondre automne du Moyen-Âge » (vers 1340/1400, période où se situe l’action du drame), certes touché par les « malheurs du temps » (Peste noire de 1348, Guerre de Cent Ans), et Parousie, relève d’une perspective anachronique sans valeur. Ériger le diable en « rival » de Dieu est une erreur grave.
Avant 1300, Satan est un non-lieu théologique. Il grimace encore dans l’immobilité de la pierre des bâtisseurs et amuse sur les tréteaux du théâtre populaire. Après 1350/60, il accède au rang de catégorie théologique : le « père du mensonge », à l’encontre duquel l’Église prendra des mesures radicales, identifiant inquisitoriaux « hérésie et sorcellerie ». La sorcière devînt responsable d’un pacte avec le « mauvais », cause première de tous les maux.

/Les Templiers furent-ils des électrons libres dans un monde dominé par les princes temporels, le pape et les évêques ? Le film penche du côté où il risque de s’effondrer : dans un effrayant manichéisme au goût du jour ! Les Templiers, à la tradition riche et profonde, participèrent à leur gré aux entreprises politiques, militaires et religieuses de leur temps, comme les croisades. Ils furent des hommes de leur époque et nul ne pourra en faire les précurseurs du monde contemporain !

Nous passerons sur la psychologie rudimentaire de la « sorcière noire », éponge flasque à qui l’on jette en pâture ressentiments, frustrations, non-dits, sans une pointe inavouée d’attirance affective sinon sexuelle… Le « prince de ce monde », doué d’une intelligence cosmique, choisirait-il un être aussi fragile et fluet pour asseoir sa domination sur la terre ?

Nous passerons aussi sur la violence de l’action et le « gore » des situations. Pourquoi filmer sans cesse cadavres en décomposition et charniers de la peste ? Bien sûr : au XIVe siècle les rapports humains sont difficiles, placés ici et là sous le signe d’une violence physique sans fondement. Ne le sont-ils pas au XXIe siècle ?
Enfin, deux aspects du film laisse pantois :

1. La situation du mystérieux monastère de Séverac, en haute montagne ! Certes, les moines s’implantaient loin des zones habitées, mais jamais à 2000 mètres d’altitude ! Y compris la Chartreuse de saint Bruno pourtant considérée comme l’image du « désert » ! La bibliothèque semble irréelle, en carton bouilli : rien d’un scriptorium médiéval !
2. La représentation matérielle du diable est à la fois hilarante et délirante. Elle scelle le destin de ce film : l’oubli des spectateurs. Satan, entre « Hulk » (le géant vert) et Frankenstein (la marionnette humaine d’un savant fou) !

Quant au rituel d’exorcisme, que vient faire le roi Salomon dans cette affaire ? N’aurait-il pas mieux valu dire au cinéaste que l’Eglise fonde son pouvoir de chasser les démons sur les récits évangéliques ?

Le dernier des Templiers

Film de Dominic Sena, 1 h 35, avec Nicolas Cage, Ron Perlman, Claire Foy…

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