Insurgés en capitales : de l’Histoire à l’utopie

/Au temps des troubadours ou des ménestrels, la figure du champion modèle proposé à l’admiration populaire avait combattu les Sarrazins aux côtés de Charlemagne ou arrivait vainqueur d’une c… (arrêtons-nous, le mot est imprononçable désormais). Je voulais parler de ces expéditions de singes partis « délivrer » une vieille église en ruine au cœur de la bonne ville d’al-Qods.

Au XVIe siècle, ces représentants valeureux et exemplaires reviennent du Nouveau Monde avec des cargaisons chargés de richesses. Cent ans plus tard, ce sont ces circumnavigateurs naturalistes qui s’en retournent du Pacifique pleins d’aventures. Avec la Révolution et l’Empire, se présentent, ivres de conquêtes, maréchaux et généraux sortis du rang, etc…

De nos jours, ou plus exactement depuis trois mois, se sont les insurgés, pardon avec un I majuscule qui sont proposés à l’admiration universelle.

Dorénavant, le quartier de Sidi Bouzid à Tunis, la place Tahrir (à prononcer en raclant bien les r) au Caire, la ville de Ras Lanouf en Lybie, sont devenus les nouveaux ombilics du monde. Que dis-je ? Je m’égare. Comprenons les seuls et irremplaçables foyers de civilisation faisant pâlir la miséreuse Athènes avec ses piètres philosophes, et l’altière Rome des Césars, incapable de triompher de la lèpre apportée par des macaques polythéistes au temps d’Auguste.

Non, voici à présent gravée dans l’airain la véritable valeur, la seule qualité seyant à l’être humain : celle de l’Insurgé.

Le maire de Paris, dans une prescience n’appartenant qu’aux hommes de gauche et à sa très noble personne, après avoir affirmé que sa nationalité tunisienne prévalait sur toute autre, se souvenant de sa lourde charge d’édile de la capitale française, a souhaité envoyer un message aux foules béates pour rappeler la plus belle des heures de la fangeuse Lutèce, celle de la Commune de Paris.

Époque bénie où Paris entière portait l’Insurrection comme un étendard à la manière de la République de Delacroix ; époque tragique où cet élan invincible et universel fut profané par d’obscènes Versaillais avides du sang des patriotes.

L’hôtel de Ville de Paris, du 18 mars au 28 mai, propose donc une exposition La Commune 1871, Paris capitale insurgée afin de raviver le souvenir de ces innombrables martyrs, pères spirituels de ces nouveaux Insurgés originaires des nations arabes qui viennent de libérer leur patrie opprimée depuis trente ans avec la complicité de l’Occident.

Mêlant documents d’époque et reproductions, l’exposition mérite d’être visitée. Certes, il faudra admettre que les destructions monumentales subie par la ville sont des moyens de légitime défense opposés aux assaillants et à la férocité exercée par ces oppresseurs versaillais obéissant aux ordres d’un pouvoir exécutif honni.
Paris valant bien une messe
, il était également naturel de constituer des prises d’otages dans les franges les plus suspectes de la population afin de pouvoir négocier la survie d’un noble mouvement populaire regroupant « la masse des ouvriers rémunérés travaillant à l’édification de barricades sous la direction de jeunes ingénieurs des Mines, de Polytechnique et des Ponts. »
Avec une spontanéité mémorable, 900 « constructions défensives » sont effectivement élevées en quelques jours, lorsque l’implacable offensive de gardes nationaux bourgeois contraint ces valeureux Insurgés à recourir à la saisie d’une caution judicieusement  opérée sur la population pour sauver l’Insurrection.
Dans un souci de vérité historique, cette question n’est pas escamotée. Une vitrine présentant quatre petites photographies rappelle cet épiphénomène. Du reste, à voir leur tenue extravagante – une grande robe noire où se détache un petit col blanc -, il s’agissait probablement d’acteurs de théâtre un peu fanatiques qu’on fusille comme ce M. Darboy accoutré comme au temps de l’Inquisition.

Car le vrai scandale, c’est bien sûr Paris réprimée, « les conditions d’une captivité souvent épouvantable dans les prisons royales » avant une déportation dans les îles.

Toutefois les chiffres parlent. En les communiquant aux visiteurs, il faut citer cet autre mérite de l’exposition : sur 36 309 prévenus, 10 137 seront condamnés. 93 à la peine de mort (dont 70 sont graciés).
L’amnistie est votée en 1880. La Commune aura donc fait plus de victimes qu’elle n’aura de réels martyrs.

Mais nous n’y sommes pas.

Paris est LA ville insurgée, le paradigme de l’Insurrection, voilà pourquoi elle est la ville lumière.

Avant de proposer au Conseil de Paris de dédier au quartier de Sidi Bouzid une grande place ou une large avenue de la capitale, Bertrand Delanoë vient de proposer la candidature du peuple tunisien au prochain prix Nobel de la paix :

« Le soulèvement pacifique tunisien a éveillé un espoir de liberté d’expression et de dignité pour tous les peuples opprimés dans le monde » a déclaré le maire dans un message aussi naïf qu’utopique…, non sans une petite pointe d’idéologie.

Dormez bonnes gens de la capitale, le guet municipal veille sur vous comme sur l’univers tout entier !

Pratique :

La Commune 1871, Paris capitale insurgée
Hôtel de Ville de Paris
Salon d’Accueil, 29 rue de Rivoli
Tous les jours sauf dimanches et jours fériés de 10 h à 19 h
Entrée libre

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