La Vie de Marie d’après les révélations des mystiques

/Voici un ouvrage qui s’avérait passionnant : La Vie de Marie d’après les révélations des mystiques. Que faut-il en penser ?
Malheureusement, la lecture « comparative » (préférons le terme « comparée ») de ces 77 épisodes de la vie de la Vierge, présentés ici par René Laurentin, théologien, auteur d’une œuvre pléthorique, et François-Michel Debroise, « ancien consultant en développement économique local » selon la mention de l’éditeur, a eu raison de notre attention et, pour mieux dire, de notre patience.

Tout commence par une question étrange posée en quatrième de couverture, comme une demande saugrenue, un crochet du droit en pleine raison : «  Que valent ces textes [les « vies de la Vierge Marie » écrites par quatre mystiques] sur les plans historique et spirituel ? »
Sur le plan historique, il est évident qu’un texte possède ou non une « valeur » selon son statut, son auteur, sa date, son support, son état de conservation, d’éventuels remaniements ultérieurs, etc. Mais que signifie l’expression « valeur spirituelle » ? Selon nous, rien, ou à peu près ! C’est le triomphe de la subjectivité, l’adversaire de l’histoire constituée comme connaissance.

Ces quatre « vies révélées » de la Vierge présentées ici seraient des « révélations » privées (donc divines), rédigées par quatre fidèles catholiques dont les existences s’échelonnèrent entre le XVIIe et le XXe siècle (Marie d’Agréda, Anne-Catherine Emmerich, Maria Valvorta et Consuelo). Intéressantes et parfois flamboyantes, elles sont riches d’évocations supposées historiques et archéologiques sur le Ier siècle. Mais sont-elles pour autant, comme le soutiennent les deux auteurs, des sortes de récits de voyage du temps de Jésus aussi précis et pittoresques que la Bible elle-même ?
C’est vite dit ! D’ailleurs les autorités de l’Église reprochèrent jadis à certains cette tentation qui consiste à voir dans ces textes un nouvel évangile ! Sur ce point, l’abbé Laurentin proclame depuis un demi-siècle qu’il ne faut jamais confondre Bible et révélations particulières. S’agirait-il d’un nouveau positionnement ou d’un oubli involontaire ?

Le chapitre intitulé « Genèse d’un projet » donne le ton. Il s’agirait de « discerner » (le mot revient trois fois en à peine six pages) le vrai du faux, le bon grain de l’ivraie, l’inspiration divine et le talent des mystiques. Ici la confusion est un danger permanent : que veut dire « discerner » ?
Le discernement est une vertu, une disposition humaine fondée sur le bon sens, l’expérience, l’ouverture du cœur et de l’esprit. Soit. Mais ce n’est pas une œuvre scientifique ! L’homme de science ne discerne rien du tout, même si l’intuition entre parfois en ligne de compte dans le processus de découverte et d’expérimentation. Confondre discernement (« spirituel ») et rationalité de la connaissance est loin de servir une telle entreprise.

Il aurait été plus utile de confronter les détails, il est vrai parfois troublants, de ces « vies » aux connaissances actuelles sur la Palestine du Ier siècle, sans poser la question de leur origine « surnaturelle » : « Elles [les auteurs] ont pénétré ainsi quelques détails de la Passion » (p. 251). Nous ne trouvons aucune référence sérieuse, récente et critique sur les faits antiques. Sur ce point, la bibliographie, maigrichonne et incomplète, prête à sourire.

Or que reste-t-il d’un texte sans contexte ? La réponse est tout entière contenue dans le flou artistique de la conclusion : « Ces voyantes méritent finalement le succès qu’elles ont eu diversement » (p. 259) !

René Laurentin et François-Michel Debroise, La Vie de Marie d’après les révélations des mystiques. Que faut-il en penser ?, Paris, Presses de la Renaissance, 2011, 298 p., 20€.

2 Comments

  1. « Il aurait été plus utile de confronter les détails, il est vrai parfois troublants, de ces « vies » aux connaissances actuelles sur la Palestine du Ier siècle, sans poser la question de leur origine « surnaturelle » : « Elles [les auteurs] ont pénétré ainsi quelques détails de la Passion » (p. 251). Nous ne trouvons aucune référence sérieuse, récente et critique sur les faits antiques », dit Patrick Sbalchiero, ce qui est à nuancer, car le Linceul de Turin nous a donné un nombre considérable d’informations sur ce qu’a vécu le Christ lors des divers événements de sa Passion, et cela même si l’on refuse d’admettre qu’il s’agisse bien du vêtement funèbre de Jésus de Nazareth, ce qui n’est pas mon cas après une trentaine d’années de collationnement des recherches scientifiques et historiques à son sujet. Ce qui fait de ce document sans pareil un témoin remarquable ou même une sorte d’historien de cette Passion: au point, quand on le prend au sérieux, ce qu’il mérite amplement, de devenir soi-même témoin.
    (Voir mon ouvrage « Linceul de Jésus de Nazareth, cinquième évangile? », édition du Sarment, ou éditons Andas, 31 rue A. Cottet, 10000 Troyes)

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