Tree Of Life, l’appel des cîmes

/Attendu comme l’un des événements majeurs du festival de Cannes 2011, The Tree Of Life (« L’Arbre De Vie »), cinquième long-métrage de l’américain Terrence Malick, a toutefois divisé l’opinion.
Tantôt émerveillée, tantôt exaspérée, elle peine à trancher, heurtée à la complexité d’un objet que nul mot ne saurait épuiser.

Car toute tentative de circonscrire le film de Malick relèverait d’une véritable ineptie. Même si un avis peut émerger, l’incertitude demeure palpable. Le doute, -fascinante oscillation-, avorte les velléités critiques nettes et sans nuances, et pousse à s’interroger.

Une expérience en somme. Une expérience artistique et intellectuelle. Ineffable et appelant pourtant l’exégèse, le film suggère plus qu’il ne montre. Voguant sur des eaux contraires d’un cinéma d’ordinaire enclin à la démonstration bruyante et impudique, le réalisateur bâtit en virtuose une rhétorique silencieuse, éloquente dans son refus assumé de tout montrer ou de tout expliquer.

Procédant par associations-libres d’où découle une fluidité tangible, l’imagerie ici déployée oblige ainsi le spectateur à s’extraire des schèmes narratifs habituels.
L’intrigue (peut-on vraiment parler d’intrigue?!), récit d’une famille américaine des années 50, régie d’une main de fer par un père autoritaire (Brad Pitt) et endeuillée par la perte d’un enfant n’implique aucune résolution. Seule compte la manière de raconter l’histoire, et de saisir comment s’instaure entre le dernier enfant encore vivant (Sean Penn) et son propre passé, un dialogue nécessaire.

L’œil et l’esprit devront se faire une raison. Ils devront s’immerger complètement dans le flot de représentations symboliques afin de se frayer un chemin dans le cheminement intérieur des personnages. Mais cette noyade envisagée ne condamne pas.
Au contraire : elle donne à respirer. Comme si l’existence, désarticulée à force d’inutile et de dérisoire, demandait afin d’être (re)conquise, une plongée sans retenue, un lâcher-prise absolu et véritable.

Le message semble entendu et d’une évidence presque vulgaire. Mais l’appliquons-nous en réalité? Ne nous laissons-nous pas écraser par le fardeau des contingences et nos frustrations pour finalement devenir en vérité complètement extérieurs à notre existence? Sommes-nous les acteurs de nos vies, ou de simples spectateurs passifs du fil des jours?

Malick à ce propos se refuse à la fatalité. Une lumière, omniprésente et persistante, envahit l‘ensemble de son film. Pareil aux Primitifs Flamands qui figuraient d’une présence lumineuse (une bougie, un rayon de soleil…) la pérennité de l’instant et l’éventualité divine, le réalisateur des Moissons Du Ciel souligne en chacun de ses plans la beauté de l’éphémère et la possibilité de la transcendance.

Chant plein d’espoir exalté, la production ne sombre jamais dans le péremptoire ou le définitif. Brassant pourtant des thématiques cruciales (la mort, Dieu, l’origine du monde…), elle résiste à la tentation de la réponse au profit d’une interrogation constante.

Sorte de réplique sensorielle aux effusions rationalistes de 2001 L’Odyssée De L’Espace de Stanley Kubrick, le film porte en creux les positions esthétisantes singulières d’un artiste ainsi que les préoccupations plus générales d’un individu confronté à sa condition.

Et cet arbre, planté au centre de l’œuvre, corporéité allégorique du cœur de l’existence, passerelle entre le vacarme de la finitude et le mutisme des espaces infinis, revoie au dialogue permanant des sphères. À cet appel incessant des hauteurs et des cimes qui, malgré le bruit environnant, peut être entendu.

Guillaume Blacherois

The Tree Of Life,
de Terrence Malick. Avec Brad Pitt, Sean Penn, Jessica Chastain…
Sortie nationale le 17 mai 2011.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.