Richard Millet : l’homme blessé

/Dans un de ses précédents livres, L’Orient désert, Richard Millet dénonçait la perte des sens, l’infantilisation des esprits, les dérives de l’amour, l’héroïsme floué, les impostures érigées en dogmes, s’exclamant : « Je marche dans ma propre poussière. Pas d’autre mystère, du moins, que celui du mouvement par quoi se dessaisir de soi ».
Cette fois, il récidive dans cette forme de pessimisme actif qui l’entraîne vers des sentiments habités par le découragement à travers deux ouvrages, Arguments d’un désespoir contemporain et Fatigue du sens
.

Refusant le monde tel qu’il est devenu aujourd’hui, avec surtout cette « immigration massive en Europe de peuples extra-européens » qu’il compare aux anciennes invasions barbares et totalitaires, Millet le paladin se dit en « apartheid volontaire », séparé des gens, des amis comme des intellectuels. Il vit ainsi un véritable exil intérieur, chassant en pleine lumière tous les affres qui pourraient l’encombrer. « Je cultive le sain désespoir de ceux qui savent que tout est perdu, clame-t-il ; la perte au sens moral ; l’accomplissement de la décadence comme source d’espoir ».

Les apostilles de son essai, d’une rare virulence, Fatigue du sens, qui sort dans la nouvelle maison d’édition Pierre-Guillaume de Roux, nous consolent de notre propre constat. Mais attention à ceux qui pourraient le lire sans comprendre que la démarche de cet écrivain solitaire n’a rien de politique en soi, c’est-à-dire d’idéologique. Millet ne roule pour aucun parti. Il est un des derniers « civilisés » du monde occidental qui fait acte d’écriture, comme un artiste en furie, un artiste dépossédé qui crie dans le désert.

« La Loi, la Tolérance, le Bien, l’Humanité »

Avec la rage au cœur, identique à celle que j’avais senti chez Robert Sainz, l’auteur d’Un Roi d’Allemagne dans la nuit d’Occident.
Bruno de Cessole devrait ajouter un chapitre à son Défilé des réfractaires (L’Éditeur), car Millet serait à situer quelque part entre Jean Raspail, Dominique de Roux et Philippe Murray.
Lui, l’homme blanc, le chrétien, le combattant, ne se reconnaissant plus dans ce monde couvert par « la Loi, la Tolérance, le Bien, l’Humanité » et régenté par ce qu’il nomme les « lobbies sexuels, religieux, ethniques, régionalistes, maçonnique, etc. ».
Il pointe du doigt la faillite du multiculturalisme qui va jusqu’à refuser de franciser les noms propres et les noms communs n’encourageant que la transcription anglophone : on ne dit pas Kossovar mais Kosovar, Burkinabé au lieu de Burkina Fasien ; sans parler de la féminisation des noms de métier.

En parallèle, il faut lire aussi Arguments d’un désespoir contemporain, au ton plus professoral sans doute, mais qui éclaire la structure de son propos, allant contre la « dégradation du sacré », offrant à son lecteur cette belle réflexion : « Si Dieu existe, Il est mon Créateur et il importe qu’il me voie  à tout instant : ma vie en trouve non seulement une dimension tout autre, un sens d’une profondeur inouïe, mais aussi une lumière dont seul l’amour peut donner une idée ».

Deux livres de Richard Millet :

Fatigue du sens, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 155 pages, 16 €.

Arguments d’un désespoir contemporain, Hermann, 158 pages, 18 €.

2 Comments

  1. « immigration massive en Europe de peuples extra-européens qu’il compare aux anciennes invasions barbares et totalitaires ».
    Cette façon de rejeter en bloc tout être humain qui ne lui ressemble pas comme « barbare et totalitaire »
    simplement pour sa couleur de peau, sa langue ou sa culture d’origine relève d’une bêtise tout aussi grave que celle du monde qu’il dénonce. Il mérite mille fois son désespoir, ceux qui croient en la fraternité humaine la réinventeront sans lui et sans les abrutis de son espèce.

  2. Merci de votre réaction.

    Vous avez raison d’une certaine manière si c’est bien ce que dit l’auteur. Seulement, il semblerait qu’il ne fasse pas de ce grand « déplacement » un problème de personne, ce qui serait, bien sûr, scandaleux. La question dépasse les individus, elle est sociale, politique et touche à l’âme des peuples.
    L’histoire de l’humanité ne change pas. Que devient un arbre sans sa racine ?
    L’adoption ou la greffe sont des phénomènes admirables et enrichissent ceux qui adoptent ou reçoivent la greffe. Mais là, l’auteur ne veut-il pas montrer que le dessein politique est de noyer toutes les racines et toutes les identités collectives?

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