The Rolling Stones millésime 1978

/Après Exile On Main Street, le crû de 1972, c’est au tour de l‘année 1978 d’être célébrée, avec la réédition de l’album Some Girls agrémenté de douze titres inédits et accompagné en parallèle de la sortie d’un concert filmé lors de la tournée promotionnelle de l’opus.

Moment musical empreint de contradictions et d’une certaine instabilité, la fin des seventies rassemble des courants et des horizons sonores diversifiés. L’Angleterre se voit de son côté violemment secouée par la tornade punk, tandis que les U.S.A dansent au rythme de disco et de funk. A la fois insouciante et engagée, rebelle et festive, la période brille par ses contradictions et aussi sans doute par sa capacité à tenter de les concilier.

Depuis leurs balbutiements dans les années 60, les Stones ont toujours su capter l’air du temps. Parfois par opportunisme, souvent pour alimenter leur propre création. En puisant au creux de l’environnement, des tendances, de la mode, l’artiste peut enrichir sa palette, garnir et étoffer sa propre capacité à créer. Mick Jagger a d’ailleurs toujours affiché sa volonté de ne pas se restreindre aux bornes du rock, quitte de temps à autre à irriter ses compagnons de route.

En ce sens, Some Girls tient à la fois d‘un reflet et d‘une réponse à cette époque. Du dance Miss You au brutal Shattered, le groupe transpire, se donne, se retient, s‘amuse, s‘énerve. Sans cesse sur le fil, spontané mais loin de l’amateurisme, l’album cristallise et rétorque.

Les punks voulaient la mort des Stones et autres représentants du rock, devenus à leur goût trop bourgeois, trop installés, trop pantouflards. Conscients de la menace, les Stones haussent le ton, accélèrent les tempi (Lies, When The Whip Comes Down), mais se refusent à une simple contre-attaque. Certes ils ripostent au bruit par le bruit, à la fureur par la fureur, mais s’emploient aussi à marquer une distance avec le climat alentour, notamment en passant par la country (Far Away Eyes) ou la reprise de standard soul (Imagination des Temptations).

Les douze morceaux inédits présents pour cette réédition auraient très bien pu former l’album original tant ils le  prolongent et l’enrichissent . Alternance de riffs enragés (I Love You Too Much, Tallahassie Lassie), de blues efficaces (So Young, Keep Up Blues, When You‘re Gone), et de country honnête (Do You Think I Really Care, You Win Again), l’ensemble ne souffre d’aucune véritable faiblesse, et devait indiscutablement voir le jour.

Portés par la réussite commerciale de l’album, les Stones s’embarquent pour une série de concerts au cours de l’été 1978. A travers une vingtaine de salles et de stades américains, ils jouent fort, vite, avec la vigueur de leur adolescence et la maturité de leurs trente-cinq ans.

Le concert de Fort Worth au Texas du 18 juillet 1978 paru chez Eagle Rock (maison de production et de diffusion spécialisée dans le rock) donne un bon aperçu de la teneur de leurs prestations d’alors. Déroulant un répertoire classique (Brown Sugar, Tumbling Dice, Sweet Little Sixteen, Love In Vain…) et des titres de Some Girls (les trois quart de l’album est interprété), le groupe, Jagger en tête, vêtu tel un Gavroche trash d’une casquette simili cuir et d’un T-shirt Destroy, ne marque aucun temps mort. Concentrés, les musiciens assurent leurs parties avec conviction et délectation (foule  de regards complices et de sourires échangés), illustrant une nouvelle fois leur puissance scénique, leur maîtrise de l’espace de la représentation, sans jamais vraiment donner l’impression de s’en soucier.

Sulfureux, provocant, énergique, spontané, rock, disco, punk, les Rolling Stones millésime 1978 demeure le condensé d’une époque, la photographie d’un moment, qui plus de trente ans après, conserve sa saveur et sa force de persuasion. En un mot; à consommer sans modération!.

Guillaume Blacherois

Some Girls (deluxe édition, double-cd), Polydor, à partir de 15,99 euros. Sortie nationale le 21 novembre 2011.
Some Girls Live In Texas’78
, Eagle Rock, (Dvd, Blu-Ray), à partir de 21,99 euros. Sortie nationale le 21 novembre 2011.

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