Carnage de Roman Polanski – Les fauves mondains

/Après le plébiscite international de Ghost Writer, le réalisateur de Frantic et de Rosemary’s Baby revient avec l’adaptation de la pièce Le Dieu Du Carnage, drame de Yasmine Reza paru en 2007.
Carnage de Roman Polanski, un film à voir.

Suite à une altercation entre leurs enfants, les couples Cowan (Christoph Waltz/Kate Winslet) et Longstreet (Jodie Foster/John C.Reilly) se retrouvent afin de régler à l’amiable cette situation a priori anodine. Bien sûr, rien ne va se passer comme convenu.

La rencontre, organisée dans l’appartement new-yorkais des Longstreet, déborde vite le cadre bourgeois et apparemment paisible d’alentour. Les mots – révolvers chargés – éclatent la quiétude de ces existences. Les saillies disloquent la toile de fond, les masques s’effritent, les fards d’ordinaire s’écroulent.

Épreuve de vérité, les couples au cours de ce huis clos infernal, se révèlent sous un autre jour. Alors qu’ils se présentent d’abord comme des individus responsables, sensés, et maîtres de leurs pulsions, ils sombrent à mesure des heures et des verres de whisky vers une forme de simplicité primitive, vers leur irréductible part d’animalité. D’honnêtes citoyens à des fauves rugissants, la frontière s’avère ténue.

Intense et bref (1 h 20), frontal et jouissif, Carnage procède d’un mouvement, de ce basculement saisissant de l’apparence à l’intériorité, de la surface à l‘essence. Retournement des valeurs, délitement des paradigmes occidentaux (Droits de L‘Homme, civisme, universalisme…) : la vérité de l’être et sans doute de notre condition qui, chaque jour reste enfouie sous une épaisse couche de vernis, finit ici par éclater avec pertes et fracas.

Polanski, comme à son habitude peu en empathie avec ses protagonistes, plutôt en posture de témoin amusé et distant de la scène, plonge le spectateur face à ses propres contradictions. N’appelant aucune résolution, laissant du coup le champ libre à la réflexion, il tend un miroir grossissant à nous autres, occidentaux, si souvent mondains et sociables, si gonflés d’idéaux et de préjugés, et pourtant tellement méfiants et craintifs.

Car chacun à sa manière, peut à n’importe quel moment laisser son intime et ses velléités profondes exploser. Chacun, à l’image de ces parents, dissimule, joue avec ses pulsions, tente de les contenir, par peur ou souci de cohésion et de vivre ensemble. Mais le Dieu du carnage, figuration de cette violence inhérente et fondamentale, sommeille, et menace, tapi dans nos ombres.

Guillaume Blacherois

Carnage de Roman Polanski. Avec Jodie Foster, John C.Reilly, Kate Winslet, Christoph Waltz.
Sortie nationale le 7 décembre 2011.

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