Bertrand Delanoë, défenseur du patrimoine historique parisien ?

/Élections municipales de 2001 et de 2008 : Bertrand Delanoë, défenseur du patrimoine historique parisien ?

Qui pourrait en douter ?
La main sur le cœur, Bertrand Delanoë, levant les yeux vers le ciel comme pour le prendre à témoin, jure qu’il aime Paris et que depuis des lustres nul édile autre que lui n’est animé d’un si pur et profond désintéressement. Il aime les gens lui aussi, passionnément, au point qu’il accepte de sacrifier sa personne durant un puis deux mandats pour la cause du bien commun et du prestige de la ville lumière !

Avec Bertrand Delanoë, Paris allait enfin renaître, débarrassée de ses profanateurs installés depuis si longtemps à l’hôtel de Ville : les chiraquiens, à une moindre mesure, mais surtout Jean Tiberi et son équipe.

Bertrand Delanoë aurait-il fait sien l’adage voulant que les promesses (électorales) n’engagent que ceux qui les écoutent ?
Si les discours des candidats aux élections, si leurs déclarations de bonnes intentions sont certes significatifs, les actes le sont encore plus.

En matière de sauvegarde du patrimoine historique parisien, le constat semble parler à lui seul.

En effet, en 10 ans d’exercice d’un pouvoir presque absolu, quoiqu’il s’en défende farouchement, Bertrand Delanoë semble être l’inventeur d’une nouvelle technique de conservation du patrimoine, tant elle est généralisée et pérennisée dans la capitale, pour remédier à la lente dégradation des édifices classés au titre des monuments historiques, celle du filet.

Combien de monuments parisiens sont-ils ainsi emmaillotés préventivement d’un réseau métallique renforcé pour prévenir les chutes de pierres sur les passants ou les visiteurs ?
Sans pouvoir les dénombrer exhaustivement, une constatation s’impose : un peu partout sur le territoire communal cette solution se généralise au détriment des restaurations. Du jamais vu !

Prenons quelques exemples :

La cour intérieure du musée Carnavalet tout d’abord, le prestigieux hôtel de Madame de Sévigné, est ainsi défigurée sur trois de ses côtés ; sur le quatrième, où s’ouvre le porche d’entrée, des étais de bois soutiennent difficilement un linteau de l’une des fenêtres supérieures dont la clé s’affaisse dangereusement ; dans l’angle opposé, des blocs entiers de pierre sont fendus par le gel ou pire par l’affaissement du gros œuvre. Avec ses 400 000 entrées annuelles (selon un audit effectué par l’Inspection générale des services de la Ville de Paris en 2007), le fleuron des musées municipaux déconcerte par son état de vétusté extérieur les visiteurs étrangers et provinciaux.

Les Parisiens restent quant à eux blasés car, dans leur ville, c’est là chose commune.

Mais restons dans le Marais, rue des Archives, à deux pas de l’hôtel de Ville dont les façades font de plus en plus triste figure aussi, dégradées par la pollution et les déjections de pigeon sans compter les mutilations causées par l’administration municipale puisqu’une grande partie du mobilier de bronze ornant le parvis a été enlevé arbitrairement depuis 2001, à l’exemple des bras de lumière disposés sur la balustrade de pierre qui protège l’entrée principale flanquée de ses deux porches.

Rue des Archives, donc, le fronton de la façade du temple des Billettes est lui aussi emmailloté. L’appareillage en pierre de taille est disjoint et éclaté en bien des endroits.
Dans l’église des Blanc-Manteaux, l’eau ruisselle sur les pilastres du collatéral droit près du chœur entre deux grands tableaux de maître du XVIIe siècle.
Dans le huitième arrondissement, ne parlons pas de l’église Saint-Philippe du Roule dans laquelle il pleut à chaque averse, le péristyle de l’église de La Madeleine est protégé pour éviter les chutes de pierre.

Le phénomène serait-il circonscrit aux seuls quartiers chics des secteurs historiques qui après tant d’années de vache grasse doivent céder la préférence aux arrondissements périphériques pour mieux respecter la droite ligne de la politique municipale ?

Non ! Pour s’en convaincre il faut considérer, par exemple, le clocher de l’église Saint-Pierre de Montrouge dont toute la partie supérieure et la flèche disparaissent sous un même maillage de fer.

Mais comment ? Pour l’entretien de son patrimoine architectural, les efforts de la Mairie sont considérables et menés tambour battant pourront objecter les représentants de la municipalité.
En effet, au début de l’année 2011, avec un grand concours de peuple et des cloches sonnant à la volée, la très réelle et spectaculaire restauration de la tour nord de Saint-Sulpice a été célébrée en présence du clergé. Depuis l’automne dernier, des travaux, qui attendaient au moins depuis 5 ans, sont entrepris sur l’impressionnante façade de l’église Saint-Paul Saint-Louis au Marais !

Certes, ce sont là de grands travaux, indispensables, mais malheureusement bien insuffisants. Aux temps proscrits de Jacques Chirac, l’église Saint-Gervais Saint-Protais fit l’objet d’une campagne complète de travaux, intérieurs comme extérieurs et durant l’unique mandature de Jean Tiberi, Saint-Etienne-du-Mont put retrouver une jeunesse éclatante grâce à une restauration intégrale du gros œuvre, des vitraux et de tout son mobilier intérieur. Et tout ceci sans compter d’autres nombreux chantiers plus ponctuels effectués énergiquement sur d’autres monuments municipaux, hôtel de Ville, hôtels particuliers, musées, théâtres, fontaines, églises, etc.

D’une manière générale, chacun aura pu le constater, le maire de Paris privilégie davantage les fêtes ( Nuits blanches, la techno-parade dont la Ville est partenaire, etc …) ou les événements éphémères comme Paris-Plage à l’entretien du Paris monumental qui pourtant représente un formidable attrait pour les touristes venus du monde entier.

Pour comprendre une évolution aussi radicale, une pièce éclairante, peu connue, pourrait être versée au dossier :

En prenant ses fonctions de premier magistrat de la capitale, Bertrand Delanoë a pris possession du « château » c’est à dire de l’hôtel de Ville. Pénétrant dans les décors restaurés sous les mandatures de Jacques Chirac, à l’occasion du centenaire du monument, respectés et entretenus par son successeur, tout s’est passé comme si la modestie du maire ne pouvait supporter de vivre sous l’éclat des dorures, des tapis moelleux tissés aux Gobelins, et des soieries précieuses sélectionnées avec soins chez Prelle ou Tassinari qui servirent à confectionner les dizaines de rideaux qui ornent les fenêtres et qui partent aujourd’hui complètement en lambeau ; il suffit de se promener rue Lobau et de lever les yeux pour s’en rendre compte !.  (Depuis des années le mécanisme électrique des écrans placés à l’extérieur des façades pour protéger ces étoffes des brûlures du soleil et des affres du reflet des rayons de la lune ne fonctionne plus. Qui s’en soucie ?)

D’innombrables anecdotes désopilantes sont rapportées, aujourd’hui encore sous le manteau, par les témoins oculaires de ces premières heures marquant l’arrivée du nouvel occupant.
Ainsi, profitant de la période estivale de 2001, assez désertée par les services, le vaste bureau du maire, protégé au titre des monuments historiques, et restauré consciencieusement mais à très grands frais vers 1990 par Jacques Chirac (qui en fit retisser à l’identique dans des ateliers de Lyon les soieries à grands ramages jaune d’or sur fond bleu), fut l’objet d’une métamorphose aussi discrète que dévastatrice.

Les tentures, les soieries toujours en état et qui pouvaient être conservées encore des années furent arrachées … et jetées à la poubelle d’où certains grands fragments furent récupérés par des agents stupéfaits de trouver, promis à une disparition imminente, de si précieuses étoffes. Les boiseries en chêne clair de Hongrie, cirées au naturel et rehaussées de sobres filets dorés à la feuille disparurent également sous l’effet de la céruse mise à la mode par des décorateurs avant-gardistes pour faire « jeun » et branché, enfin les somptueuses tapisseries appartenant à la suite des Fructus belli furent renvoyées dans les magasins municipaux.

Bien d’autres dégâts furent commis : ainsi, dans le Salon Jean-Paul Laurens, lors d’une intervention télévisée, l’un des grands vases de Sèvres ornant les angles de la pièce entre dans le champ de vision dans lequel figure notre maire si modeste. Jugée singulièrement gênante pour la prise de vue, la présence de cette grande urne décorative pourrait ruiner les efforts de Bertrand et de son service de com pour faire apparaître le nouveau maire de Paris comme Monsieur tout le monde. Sans plus attendre, le maire donne des instructions. Le vase se brise dans les mains de manipulateurs inexpérimentés appelés sur le champ pour accomplir cette impérieuse besogne.
Un jour peut-être, si les recollements ont été tenus à jour, un des successeurs de Bertrand Delanoë pourra faire mesurer l’ampleur de ces gâchis.

Ne pas apprécier le style IIIe République ou le néo Louis XV n’est pas une faute. Toutefois l’obsession de valoriser en permanence une image médiatique d’édile vertueux et spartiate construite à contrepied de celle qu’il aime prêter à ses adversaires, en prenant grand soin d’apparaître le plus possible en dehors de tout contexte pouvant suggérer l’appareil du pouvoir et de ses apanages, conduit le maire de Paris à commettre de graves erreurs qui se résument, en notre domaine, à confondre ses goûts personnels avec l’héritage historique et artistique légué par l’Histoire que ses fonctions l’invitent à assumer.

La conservation du patrimoine, la préservation des richesses artistiques des musées et des églises, l’entretien du mobilier urbain du parvis de l’hôtel de Ville ne sont donc pas des sujets qui passionnent le maire de Paris actuel.

Cette triste situation pourrait-elle avoir tout simplement pour origine des causes purement financières comme l’état préoccupant des finances municipales pourrait le laisser supposer malgré la conséquente augmentation des impôts fonciers enregistrée depuis l’arrivée de Bertrand Delanoë aux commandes municipales. Ces prélèvements supplémentaires auraient dû venir consolider les mesures antérieures prises pour assurer la pérennité de l’entretien du patrimoine classé de la Ville.

A considérer les dernières largesses municipales, car elles ne sont pas rares même en ce domaine, il faut croire que non, l’argent ne fait pas défaut.

En effet, une bagatelle de 200 000 euros vient d’être offerte à la ville d’Haïfa en vue de la restauration de sa Place de Paris et dans le domaine « culturel » la Ville s’apprête à verser cette fois 30 millions d’euros pour la création de l’Institut des cultures d’islam dans le XVIIIe arrondissement.

Sur ce dernier projet, le maire de Paris sait remarquablement tordre le bras à la législation de 1905 portant séparation de l’Église et de l’État. La construction de deux mosquées accompagnées de tous leurs bâtiments annexes a été requalifiée en « projet culturel » bien que l’institut aura pour but d’assurer en France la promotion de l’ « islam moderne et tolérant » ! Il est vrai que les salons de l’hôtel de Ville sont mis désormais, au frais du contribuable parisien, à la disposition des musulmans pour fêter la fin du ramadan… et qu’il s’agit seulement nous explique-t-on de donner corps un phénomène socio-culturel qui va s’amplifiant chaque année et dont il faut tenir compte.
Le pékin n’y voit goutte ; c’est bien là l’essentiel pour le maire.
Il s’agit pour les participants de célébrer la rupture du jeûne au cours d’une soirée tellement culturelle que la nourriture servie sur les innombrables buffets est hallal, c’est à dire préparée rituellement selon les règles islamiques, sans viande de porc naturellement, et que ne s’y trouve aucune boisson alcoolisée. Un tel particularisme ne se reproduit quasiment jamais dans les autres réceptions offertes tout au long de l’année par la mairie ; de là à nous faire croire bientôt que ces dernières pourraient présenter un caractère « cultuel » puisque charcutaille il se trouve, il n’y a plus qu’un tout petit pas à franchir.

En fait, dans la pensée de Bertrand Delanoë, la notion de bien commun se trouve toujours balayée. Ce concept n’existe pas à ses yeux ; c’est là une invention réactionnaire qu’il convient de mettre en brèche.

En grand démagogue qu’il sait parfaitement être, et avec une subtile pointe d’hypocrisie, ce qui compte pour lui est le communautarisme. Les lobbies qu’il caresse constituent pour chacun d’entre eux autant de clientèles qu’il sait judicieusement rendre captives par le biais de versement de subventions et d’autorisations plus ou moins dérogatoires spécifiques.

Du reste, le mécanisme a relativement bien fonctionné sur les IIIe et IVe arrondissements avec la communauté juive ou la communauté gay et de plus en plus avec la communauté chinoise. Quant au XVIIIe, les choses sont bien sur le même pied comme aime à le rappeler l’imam de la mosquée Al Fath (qui bénéficie de la manne municipale) et qui déclare à qui veut bien l’entendre : En 2008, Daniel Vaillant a été élu par les musulmans.

… alors, fi des architectes des bâtiments de France, de ces monuments plus ou moins classés, des collections des musées et de leurs expositions temporaires.
Quant aux vieilles églises et leurs sacristies poussiéreuses qui tombent en ruines, ce ne sont pas elles qui iront mettre un bulletin de vote dans les urnes !

Leur préservation et leur restauration sont davantage du ressort du « cultuel » dans lequel, non, au grand jamais, Bertrand Delanoë ne s’aventurera à entrer, pas même de son petit doigt !

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