Un Américain à Paris

Par Christine Sourgins*

/L’ex-homme d’affaires et amateur d’art, Robert Rubin, président la Fondation Centre Pompidou, ne mâche pas ses mots concernant la gestion du Centre (Le Monde du 25 février, p.2) .

« La direction a payé très cher le rédacteur en chef de la revue Beaux-Arts pour qu’il soit co-commissaire de l’exposition « Paris-Delhi-Bombay » en 2011.
Outre l’insulte aux conservateurs du Centre, l’exposition était médiocre, le nombre d’entrées peu significatif, et elle a coûté 2 à 3 fois le prix d’une exposition normale ». Néanmoins : « C’est en France que je trouve des passionnés qui aiment les œuvres sans évoquer leur coût . Mais tout cela est menacé ».

Pourquoi ? Cet Américain est fort lucide sur nos lubies : « On demande aux lieux culturels de s’inspirer du modèle américain, de trouver de l’argent, mais sans avoir encore ni les armes, ni la mentalité, ni la culture pour y arriver. » De plus, l’État ne donne pas l’exemple aux collectionneurs qui sont, aux USA, « fiscalement encouragés à donner ».  « Là encore, je ne vois pas l’État français prendre ce chemin ».
À la suite de l’opération Louvre /Abou Dhabi, quand l’État intime à d’autres musées (y compris au centre Pompidou ) de faire de même, il est injuste, conclue Robert Rubin, car « aucun autre musée que le Louvre ne pourrait refaire cette opération ».

Rubin s’étonne que le centre Pompidou lui ait demandé de trouver une œuvre de Jeff Koons : «  C’est incroyable, il n’y en a aucune dans les collections ». Or en 2008, on a donné à Koons,  dit-il, « les clefs de Versailles, on lui a fait une publicité énorme, son principal collectionneur américain, Eli Broad, était impliqué dans l’exposition, François Pinault, son collectionneur français aussi, et le monde muséal français n’en a pas profité pour lui demander quelque chose en retour »! C’est sûr, on est pas doué, quoique j’en connais qui se consoleront facilement de la carence en Koons.
Pour chercher du mécénat les français s’y prendraient donc mal :  les historiens ou conservateurs ne sont pas formés à cela, or « ce sont les professeurs réputés qui séduisent les grands donateurs » car ces derniers « se fichent des gestionnaires ». Il est donc capital que les responsables d’un musée soient des conservateurs, « c’est le cas dans les musées américains » où ils ont autorité sur l’action et la programmation .
En France , « curiosité française », dit Rubin, le pouvoir « place des conseillers à des postes où ils sont peu légitimes ».
Or « les personnes parachutées ne se contentent pas de gérer mais interviennent sur les questions de fond : choisir les expositions, attribuer l’argent, commenter… Autant de responsabilités qui, j’insiste, devraient être assumées par un conservateur ».

Conclusion à méditer : « Il est plus facile à un conservateur d’apprendre la gestion qu’à un gestionnaire d’apprendre l’art ». Et c’est un américain, ex homme d’affaires, qui le dit !

* Historienne de l’art, Christine Sourgins connaît bien les musées pour y avoir travaillé, les artistes et le grand public par son engagement dans les
structures associatives.
Son parcours lui a procuré un poste d’observation de la vie artistique en France, ainsi qu’une indépendance de pensée et d’expression.
Elle a publié de nombreux articles et un ouvrage de référence :

Les mirages de l’Art contemporain, La Table Ronde, (2005), actuellement 4ème édition.

Anime un blog : http://sourgins.over-blog.com/

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