Dmitri Hvorostovsky au Théâtre du Châtelet

/Dmitri Hvorostovsky entretient une longue histoire d’amour avec le Théâtre du Châtelet, qui ne se souvient de son éblouissant Onéguine il y a une vingtaine d’années ? Trop rarement à l’affiche à Paris désormais, le baryton est revenu le 21 mai 2012  dans ce théâtre le temps d’un superbe récital consacré à des mélodies russes plus ou moins connues.

Dmitri Hvorostovsky est souverain dans ce répertoire, en grande partie parce qu’il n’hésite pas à repousser les limites parfois imposées par le carcan du genre de la mélodie et à lui donner la même intensité qu’à un air d’opéra : au lieu de sombrer dans une mièvrerie déplacée, il prend à bras le corps la musique et le texte pour raconter une histoire, avec le plus d’émotion possible.
Le chanteur ouvre le concert avec quatre mélodies sombres de Rachmaninov.

Après une première pièce U vrat obiteli svjatoj, trop grave pour lui, il interprète magnifiquement Ona, kak polden’, khorocha, avec de longues tenues à la fin des phrases, dévoilant une parfaite maîtrise du souffle. Il enchaîne avec six mélodies de Sergei Taneïev. Ce compositeur, peu connu, a écrit des œuvres de facture bien différente. Certes on reconnait la patte de Tchaïkovski, son professeur de composition dans quelques pièces comme Zimnii pout ou Ne veter, veya s visoty, mais il s’essaie également à un genre plus classique dans Menuet : cette mélodie est écrite dans un style mozartien et d’ailleurs c’est la voix de Don Giovanni ou du Comte que l’on entend au travers de celle de Dmitri Hvorostovsky. On retiendra aussi la très belle mélodie Stalaktity dans laquelle le chanteur crée une atmosphère étrange, presque féérique en utilisant la pureté de la voix.

La seconde partie du récital débute avec des mélodies de Liszt, répertoire assez éloigné de ce qu’a l’habitude de chanter Dmitri Hvorostovsky. On oubliera vite sa prononciation du français qui ne permet pas de comprendre tout le sel de Hugo pour admirer sa puissance vocale. Les deux extraits des Trois Sonnets de Pétrarque, sont interprétés avec une rare intensité. Place ensuite à Tchaïkovski avec les Six Romances, assez rarement données en un seul tenant. Le chanteur n’a pas de rival avec une Notch particulièrement prenante et Snova, kak prejde, odin chanté avec une froideur appropriée, la musique se voulant assez monotone.
Le public parisien ayant réservé un accueil triomphal au chanteur, Dmitri Hvorostovsky ne peut quitter la scène sans deux bis : Extase de Duparc et l’air de Iago dans Otello. Son incarnation restera longtemps dans les mémoires tellement le chanteur dépeint un Iago machiavélique à souhait, amenant chaque nuance sur les montées avec subtilité remarquable.
Après un récital aussi éprouvant on en admirera encore plus son aigu à l’issue de l’air.
Dmitri Hvorostovsky est accompagné du pianiste Ivari Ilja, son fidèle complice depuis près de 10 ans. On ne peut que louer leur duo, ils s’écoutent, jouent ensemble. Ces pièces nécessitent une grande virtuosité et une musicalité, deux qualités indéniables d’Ivari Ilja.

Quelques jours après l’annonce du décès de Dietrich Fischer-Dieskau, il est rassurant d’entendre un chanteur lyrique manier avec une telle dextérité l’art du Liederabend, quelle que soit la langue du répertoire.

Il est à souhaiter que l’on n’attende plus aussi longtemps avant de le retrouver à Paris où tant de belles soirées sont encore possibles.

Manon Ardouin

Actualités :

– Dmitri Hvorostovsky et Ivari Ilja ont enregistré trois CD de mélodies russes dans lesquels on entend une partie de ce programme :
Pushkin Romances, Tchaïkovski (chez Delos Records) et Rachmaninov (Ondine).

– Retrouvez Dmitri Hvorostovsky dans le répertoire lyrique avec la sortie récente du dvd du Trouvère de Verdi, capté au Met en avril 2011.
Il y tient le rôle de Luna en compagnie de Marcelo Alvarez,… (Deutsche Grammophone).

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