Les films du moment

/Trop de films sortent chaque mercredi. Trop de promotion dissimulatrice, trop de connivences masquent souvent les œuvres au profit de produits bien formatés. Ici, retour et panorama sur les films qui en cet automne 2012, valent vraiment le détour.

À perdre la raison, de Joachim Lafosse. Avec Emilie Dequenne, Tahar Rahim, Niels Arestrup. Sortie le 22 août 2012.
Tiré d’un fait divers belge, À perdre la raison ne se concentre non pas tant sur le geste irréparable d’une mère, que sur la lente et progressive déstructuration d’un couple et de la cellule familiale. Austère, la caméra saisit ces visages tour à tour embrumés par un quotidien anxiogène, par le manque de dialogue et par la déraison. Un des meilleurs films de l’année.

Camille Redouble, de Noémie Lvovsky. Avec Noémie Lvovsky, Denis Podalydès. Sortie le 12 septembre 2012.
Sans doute l’une des surprises de l’année. Sur le thème du retour au pays de l’adolescence, Noémie Lvovsky tisse un film fragile, sensible, parfois grave, mais toujours rieur. Une véritable comédie intelligente.

Después de Lucia, de Michel Franco. Avec Tessa La, Hernàn Mendoza. Sortie le 3 octobre 2012.
Choc, le second long-métrage de Michel Franco se déploie autour du martyr enduré par Alejandrà, adolescente qui a perdu accidentellement sa mère. Son calvaire, infligé par des élèves de sa classe la renvoient, au-delà des sévices (atroces) corporels, à sa propre douleur intérieure, au silence né de la perte de la mère. Tout en longs plans séquences fixes, Franco met le public face à l’horreur dont est capable la collectivité humaine. Et nous pousse à nous interroger : « qu’aurions-nous fait à sa place ? ». Le film, salué par Tim Roth, a obtenu la Caméra d’Or au dernier festival de Cannes.

Gébo et l’ombre, de Manoel de Oliveira. Avec Michael Lonsdale, Claudia Cardinale, Jeanne Moreau. Sortie le 26 septembre 2012.
Ultime œuvre du centenaire (104 ans exactement) Manoel de Oliveira, Gébo et l’ombre s’apparente à un tableau, une peinture en clair-obscur d’un foyer démuni, au creux duquel la vie n’est plus que la répétition du même. Mêmes gestes, mêmes mots, mêmes angoisses. D’un jour à l’autre, ces pauvres regardent la pluie tomber à la simple lueur d’une lampe à huile, et n’envisagent plus d’autre horizon que celui, borné et confiné, de leur maison délabrée. Économie de moyens (pas plus d’une vingtaine de plans), rigueur métrique des dialogues, et interprétations captivantes des acteurs principaux font de cet Oliveira une œuvre en rupture avec la fureur d’alentour.

Skyfall, de Sam Mendes. Avec Daniel Craig, Javier Bardem. Sortie le 26 octobre 2012.
Skyfall, un James Bond de plus ? D’un côté, la tradition est respectée. Personnages féminins (exceptée M) faire-valoir, répliques ciselées, massacres en cascade, cylindrées rutilantes et des méchants monolithiques. Mais, grâce à la patte de Sam Mendes (American Beauty, Les noces rebelles) ce 23ème épisode tranche avec le reste de la saga.
Sur les traces de Casino Royale, porté par des gestes esthétiques singuliers (l’intro, le final et les séquences asiatiques sont remarquables) le héros se fatigue, contraint – par goût du devoir et par lâcheté – de sauver encore l’équilibre du monde. Sauf que le monde d’hier, occidental gorgé de valeurs, a laissé ici la place à un univers intérieur, intime, traversé de doutes et de zones d’ombre.

/Pauline détective, de Marc Fitoussi. Avec Sandrine Kiberlain, Audrey Lamy. Sortie le 3 octobre 2012.
Si la comédie française, pour un grande part, se retrouve plombée par ses ambitions, ici, Fitoussi a su faire preuve de modestie et de maîtrise. Sobre et pourtant stylisé, Pauline détective n’a pour d’autre dessein que de raconter une histoire. Celle de Pauline, journaliste pour un magazine d’enquêtes, qui pendant ses vacances en Italie va se retrouver mêlée à un meurtre. Subtil, plein d’idées, le film réussit où beaucoup échouent. Avec en prime, Sandrine Kiberlain, plus belle que jamais.

Ted, de Seth MacFarlane. Avec Mark Wahlberg, Mila Kunis. Sortie le 10 octobre 2012.
Un ours en peluche alcoolique et fêtard, et son meilleur ami, un adulescent de 35 ans partagent l’affiche de cette comédie US. Provocante, trash et néanmoins bien sentie, l’histoire aurait pu tourner court. Mais l’ensemble décolle, notamment grâce à un Mark Wahlberg de plus en plus décontracté, et un art du dialogue incisif rarement aussi bien mené.

Traviata et nous, de Philippe Béziat. Avec Natalie Dessay. Sortie le 24 octobre 2012.
Il n’est sans doute aucun opéra plus célèbre que La Traviata. Même les néophytes ont certainement déjà entendu parler de cette histoire d’amour tragique, fomentée en 1853 par un Verdi au sommet de son art. Alors pourquoi vouloir encore le mettre en scène ? Parce que près de 150 ans après, sa vigueur et sa superbe demeurent. Le documentaire de Béziat (habitué à l’exercice) suit donc les répétitions, la construction étape par étape d’une nouvelle lecture de l’opéra. Et même si aucun geste cinématographique fort n’est à signaler (clins d’œil un peu appuyés à Frédérick Wiseman), l’intérêt se situe ailleurs, au fond des yeux et de la voix – si cristalline et traversière – de la soprane Natalie Dessay.

Vous n’avez encore rien vu, d’Alain Resnais. Avec Pierre Arditi, Sabine Azéma, Lambert Wilson, Anne Consigny. Sortie le 26 septembre 2012.
Provocation d’Alain Resnais. Lui, le réalisateur de 90 ans, pourrait encore nous surprendre ? A priori, l’histoire d’un dramaturge disparu demandant à tous ses amis comédiens de se rassembler après sa mort peut ne pas susciter l’enthousiasme. Mais le traitement, le dispositif installé par Resnais (relecture d’Eurydice d’Anouilh, à la fois jouée par les comédiens présents et une troupe filmée), le jeu des acteurs, la mise en scène originale, rendent au réalisateur de Nuit et Brouillard des teintes de jeunesse retrouvée.

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