Ils ont le charme des bandits de grand chemin. On n’y peut rien, on les aime comme on aime Tucco et Blondie, alors que ce sont quand-même de bien mauvais garçons. Un peu de guimbarde, d’accordéon et de guitare, un peu de bric- à-brac comme s’ils trimballaient tout ça dans une roulotte. Il y a aussi cette voix aiguë et un peu coquine, mais aussi essoufflée, comme la voix d’une femme qui travaille dur et fredonne dans un immense espace. Il y a du grand air dans les chansons de Moriarty.
Vous l’aurez compris leur plus manifeste talent, c’est l’habileté qu’ils ont à créer une franche ambiance de western. On se plonge dans leur univers, dans les tréteaux de leurs décors imaginaires que trois notes suffisent à monter. Tout ça c’est grâce au cinéma. Vous ne voyez pas des mauvais gars dubitatifs débarquer de l’horizon dans une carriole, une roulée dans le coin de la bouche? Moi si.
Il se dégage de leur musique, la familiarité des airs qui se retiennent facilement, celle des chansons qui voyagent et se transmettent. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont choisis dans ce nouvel album : mettre en avant les chansons de la mémoire collective. Ils soulignent l’héritage de Woody Guthrie : des vieilles légendes, des ballades d’hommes en fuite, un peu comme ceux qu’on voyait dans O’Brother, des hommes « in constant sorrow ».
L’instrumentation pose le décor, mais c’est la voix qui pose le ton, avec beaucoup de subtilité : quand Charlène Dupuy libère sa mélodie, on sait que c’est un personnage, on comprend la dureté de l’histoire, la cruauté de la vie, ou sa légèreté radieuse. Moriarty est un groupe qui s’efface derrière les personnages qu’ils racontent, nous peignant l’Amérique du passé et ce qu’il lui reste de poésie et d’idéalisme.
Ah la manie qu’on a de scénariser leurs chansons !
Moriarty fait le boulot des conteurs au coin du feu. On écoute et on imagine, voire on « imagise » les chansons, et le projectionniste fait tourner la manivelle dans nos têtes.
Marguerite Kloeckner
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