De Rouge et de Noir : vases grecs de la collection de Luynes

/Généreux mécène, collectionneur et homme de sciences, Honoré d’Albert, duc de Luynes, fit don en 1862 à la Bibliothèque nationale de la remarquable collection archéologique qu’il avait rassemblée en son château de Dampierre.
Parmi ces milliers d’œuvres se distingue un ensemble unique de céramiques grecques aujourd’hui mis en valeur à travers une belle exposition en ce lieu parisien insolite et méconnu qu’est le Musée des Médailles et Antiques.

Les goûts du savant duc le portaient vers les créations les plus raffinées de l’art athénien de la grande époque, soit les VIe et Ve siècles avant notre ère, alors mises au jour à travers les fouilles de Grande Grèce (Italie du Sud) et d’Etrurie. Dans l’Antiquité, ces régions avaient été grandes importatrices de poteries attiques et c’est donc souvent hors de Grèce qu’ont été exhumées certaines des plus belles œuvres grecques. La perfection technique de ces vases peints met en valeur la variété des scènes narratives tirées de la mythologie ou de la vie quotidienne. Dieux et héros chers à la cité d’Athènes peuplent le fond des coupes ou la panse des grands vases en un tournoyant ballet de formes lustrées de vernis noir sur le fond ocre rouge d’une céramique que les artisans virtuoses voulaient la plus fine qui soit. Ainsi Athéna et Poséidon, les dieux tutélaires de la cité, se font-ils face sur la remarquable amphore du peintre d’Amasis, un des chefs-d’œuvre de la collection. Les dieux affrontent les géants sur la coupe qui donne son nom au peintre de la Gigantomachie de Paris. Thésée, roi mythique d’Athènes, tue le minotaure. Pour combattre les Amazones, les héros de la guerre de Troie, sur leurs chars à quatre chevaux, s’arment de boucliers ronds ornés de scorpions, de serpents, d’oiseaux de proie, de la tête de Gorgone, mais aussi… de coupes à boire.
À l’honneur surtout, l’inépuisable Hercule-Héraclès, le héros par excellence, dont les travaux athlétiques plaisaient tant aux peintres de vases. Sans oublier bien sûr le cortège de Dionysos, dieu du vin, ses satyres et ses bacchantes saisies d’ivresse, un thème tout particulièrement approprié pour des récipients destinés aux banquets !

/Amphores et hydries pour conserver le vin et l’eau, cratères à volutes dans lesquels s’opérait la dilution – le vin antique, épais et fort en alcool, était coupé d’eau, – coupes et canthares pour le boire, phiales pour les libations… Tout un art de vivre ressurgit devant le spectateur à travers cette vaisselle de céramique remarquablement conservée et les peintures qui la décorent : le banquet des hommes après celui des dieux, les épreuves sportives du gymnase, et le service de la cité. La guerre fit plus d’une fois le quotidien des hommes d’Athènes comme le rappellent certains lécythes, ces petits récipients à onguents souvent d’usage funéraire, tel le lécythe au guerrier blessé. Même les dieux sont parfois représentés avec une simplicité toute humaine, comme cette Athéna méditative qui s’apprête à écrire, tenant d’une main une tablette et de l’autre un stylet, image de l’inspiration littéraire malgré les attributs guerriers de la déesse.

Les œuvres les plus fragiles sont sans doute les plus émouvantes : le dessin d’ocre fugace d’Œdipe et le sphinx sur un petit lécythe à fond blanc, ou encore le fragment de coupe montrant le visage barbu du grand Ajax portant sur ses épaules le corps mort d’Achille, attribué à un peintre prolifique du nom de Douris, un des rares à signer ses peintures. Plus inattendue par sa sobriété empreinte d’une poésie mélancolique, une très belle hydrie entièrement recouverte d’un vernis noir brillant a pour seul décor un tout petit Pégase blanc volant vers une lune blanche aussi… Le classicisme qui caractérise le style athénien contraste avec les imitations de la dernière section, « Autres cités, autres regards ». Le décor des amphores étrusques, marqué par l’horreur du vide, superpose les registres et les frises de sphinx et de palmettes, tandis que les rhytons à boire de Tarente sont modelés en forme de tête de bœuf ou de cheval.
Inès Villela-Petit

Pratique :


De Rouge et de Noir. Les vases grecs de la collection de Luynes

Jusqu’au 4 janvier 2015
Musée des Médailles et Antiques
BnF – Richelieu
5, rue Vivienne 75002 Paris
Tél : 01 53 79 49 49 (visites guidées)
www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.vases_grecs.html

Du lundi au vendredi de 13h à 17h45
samedi de 13h à 16h45
dimanche de 12 h à 18h Entrée libre.

Catalogue de l’exposition : Cécile Colonna, De Rouge et de Noir. Les vases grecs de la collection de Luynes, Editions Gourcuff Gradenigo, 128 pages, 150 illustrations, 29 €.

Illustrations :
Iris sert à boire à Apollon, vase attique à figures rouges, vers 465 av. J.-C.     (ht 26 cm)
Prométhée debout devant la déesse Héra, coupe attique à figures rouges, entre 480 et 465 av. J.-C. (diam. 32 cm)
Ajax portant le corps d’Achille, fragment de coupe attique à figures rouges, entre 480 et 460 av. J.-C.
Combats d’Héraklès, amphore étrusque à figures noires, vers 535 av. J.-C. (ht 41 cm)

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.