Comment se porte Madame Laculture, la culture officielle ?

/Par Christine Sourgins*

Comment se porte Madame Laculture, la culture officielle, en ce début d’année ?

Pas très fort : on déplore une vague d’iconoclasme ravageur.
C’est d’abord au musée de Bari, une femme de ménage qui, fin février, a balayé une œuvre d’AC composée de bouteilles vides, de papier journal et de miettes de pain pensant qu’il s’agissait de détritus abandonnés par les personnes en charge de l’exposition. Or c’était une installation de l’artiste new-yorkais Paul Branca, qui avait pour ambition de sensibiliser le visiteur aux thématiques de l’environnement et de la surconsommation…
On nous assure, pour justifier le préjudice de 10 000 euros, que l’assemblage est irrécupérable. Allons donc, Les Pouilles sont-elles si pauvres qu’elles manquent de détritus ? La femme de ménage mise hors de cause ne culpabilise pas mais confie sa tristesse (il se pourrait que ce soit son entreprise qui règle la note !).

Plus grave, une œuvre d’AC a été volontairement brisée, au Pérez Art Museum de Miami. La scène a été filmée et est visible sur internet.

Ai Wei wei avait peint de couleurs vives une urne de la dynastie chinoise Han (206-220 avant JC), pour l’intégrer à sa série de Vases colorés, surmontée par trois clichés montrant l’artiste lâchant un autre vase Han qui se brisait au sol.  Provoqué par ces photographies, Maximo Caminero, un artiste né en République dominicaine, a expliqué avoir voulu l’imiter dans «un acte de protestation spontané», commis au nom de «tous les artistes locaux de Miami qui ne sont jamais exposés dans les musées de la ville».  WeiWei oscille entre l’indifférence « mes travaux sont très souvent détruits ou endommagés durant les expositions» et la réprobation « les raisons qu’il donne ne me semblent pas justes. Maximo Caminero ignorait le prix du vase, 1 million de dollars (730 000 euros). Le voilà « sincèrement désolé » et sur le point d’avoir de gros ennuis avec la justice.

Cet homme est 6 fois victime ;
1 – Maximo Caminero est exclu par l’AC, l’Art dominant mondialisé exclusif par nature. Hannah Arendt a montré que ceux qui prônent « tout est possible, tout est permis » sont des totalitaires. L’AC se réserve ce libertarisme sans frein qu’il refuse aux spectateurs.
2 – Maximo Caminero est trompé par un artiste qui banalise un vase Han en le peinturlurant  au lieu de le respecter ; Caminero peut même penser que c’est un faux vase Han pour que WeiWei l’ait traité de la sorte. Caminero pense s’en prendre à l’AC et il détruit un vase Han (soit dit en passant il y a bien, hélas, parfois et même souvent de l’art dans l’AC !)
3 – Maximo Caminero est incité à accomplir le geste qu’on lui reproche par les photos de WeiWei qui clament que de «nouvelles idées et valeurs peuvent naître d’attitudes iconoclastes» sic. Voilà qui montre que la catharsis, censée justifier toutes les folies de l’AC, n’a rien d’une panacée. Montrer un acte ne défoule pas toujours mais peut, bien au contraire, inciter à le commettre.

4 – Maximo Caminero est victime du musée qui valide : l’institution est complice du provocateur d’AC.
5 – Maximo Caminero est victime une seconde fois d’Ai Wei Wei auréolé de ses lauriers de « dissident » chinois, qui a juste une vison comptable de l’événement…Bref WeiWei n’assume pas, s’en lave les mains, n’est ni responsable ni solidaire. L’AC est censé être contextuel pourtant !

6 – Dernier préjudice, celui causé par la presse qui  présente  Maximo Caminero comme un vandale alors que c’est une victime, pire, presque un martyr de l’AC !

Cela méritait un comité européen de soutien et l’on demanderait à Pierre Pinoncelli, le briseur d’urinoir, de le présider, bien sûr !

Enfin, dernière iconoclaste en action, Rafaële Arditti propose une vision décapante de ces missionnaires de la culture réchappée d’un « comité d’Éthique et de Programmation ». La voilà accoutrée  en Madame Laculture, tailleur BCBG et nez rouge de clown, pendue au micro pour le lancement d’un projet de «  Création Artistique Innovante pour les Jeunes avec des Capacités Moindres et un Avenir Pourri en Milieu Scolaire Défavorisé ».
Dans un décor digne de « l’esthétique aléatoire », Madame Laculture s’emmêle dans le fil de son discours et jargonne à loisir sur les « dispositifs installatoires et microphénomènes ». Sa fausse décontraction cache mal sa condescendance et son autoritarisme, tant il est vrai que  l’absurde suscite l’hystérie. Rafaële Arditti aime « décraquer » les mots (ah, ces buffets où l’on savoure des « cuisses de hareng cambrés » ), elle s’est inspirée de la prose des « Nuits blanches » et autres réjouissances de l’AC, mais aussi… des « Mirages de l’Art contemporain » comme elle le note très aimablement dans le livret du CD de son spectacle.

Prolongations jusqu’au 15 mars, les samedis à 20h30, Au mouchoir de poche, à Paris :  renseignement, réservations obligatoires : cliquez

Suite des aventures de la « culture » la semaine prochaine…

Photo : le readymade.

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