Vous avez dit « Beauty » ?

/Après le peintre en bâtiment qui s’auto-proclame artiste peintre (voir la rubrique « libres-propos de CultureMag), voici une autre manière de détruire la peinture, cette fois avec les meilleures intentions du monde, lui rendre « hommage » à l’aide de la technologie.

Un réalisateur italien Rino Stefano Tagliafierro a réalisé une vidéo de dix minutes où une succession de tableaux s’animent : l’ensemble est titré Beauty; tout un programme ! Le résultat est époustouflant nous assure Le Point : « l’artiste plusieurs fois récompensé, utilise la technique du « cut-out », qui permet, grâce à un travail informatique long et méticuleux, de découper les personnages et, en fonction des mouvements souhaités, de reconstituer le décor derrière eux. Bluffant ».

Mais si la peinture a besoin d’animation, c’est qu’elle est inanimée ; il lui faut donc une perfusion de vidéo, alors, comme l’écrit le Point « l’art prend vie ». Bref c’est une manière polie de nous dire que la peinture est morte.

Or à voir cet empilement de tableaux dont les protagonistes sont engagés dans un mouvement qui précède ou suit l’image arrêtée que serait  une peinture, on ressent plutôt de la frustration : si on transforme l’image en métrage c’est un peu court, cela donne aux peintures une somnolence  mièvre. Mieux vaut carrément faire du cinéma.  Pour les amateurs de peintures voilà  un gadget  qui débute  kitsch, un tantinet New-Age, et sombre in fine, dans le pathos le plus gore.  À quand la Victoire de Samothrace s’envolant à tire d’ailes, le Cri de Munch qui hurle, ou la Joconde qui éternue ? Le réalisateur n’a rien compris à la Peinture ou l’a désappris, ce qui arrive aux plus jeunes qui semblent, eux, apprécier cette vidéo.

Beauty est un contresens  sur ce qu’est la peinture qui n’est jamais la sélection du moment le plus représentatif d’une scène (quoique la peinture académique, bien représentée ici, ait souvent recherché cet Apax, d’où son côté théâtral).
Une vraie peinture est une condensation, une intensification, en profondeur et non un jeu d’apparences. Elle se lit et se vit, non pas en fonction de ce qui vient immédiatement avant ou après mais par assonances visuelles, avec des correspondances culturelles, ou des renvois à une expérience personnelle du monde. Une richesse que seul un bon documentaire (voir la série Palette) ou un bon écrivain peut expliciter.
Et devant lesquels cette Beauty prend l’allure d’un pastiche dérisoire ; pire, ce genre de vidéo confisque l’expérience profonde de la peinture au profit d’un divertissement de plus.

Christine Sourgins

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