Le Japon dans tous ses états

/Deux livres nous font entrer dans le royaume rétro-moderne du Soleil-Levant. Lequel est un véritable royaume de signes qui nous invite à une exploration émerveillée.

Voici venu le printemps. Il est temps d’ouvrir les yeux et d’admirer les premiers bourgeons. Mieux encore, de faire un saut jusque dans l’empire du Soleil-levant à la recherche des cerisiers en fleurs.
C’est à ce voyage extraordinaire que nous invite le journaliste et écrivain Jean-Luc Toula-Breysse, fin connaisseur de ce pays aux mille sortilèges, à travers son livre -inventaire Japan Book, Voyage Nippon, superbement illustré par Véronique Durruty, photos et carnets-collages.

« Douce comme la soie, voluptueuse comme les désirs printaniers, la fleur de cerisier aux atours évanescents symbole l’esprit du Japon, écrit-il. Emblème des samouraïs, elle représente pour les bouddhistes l’impermanence, mais également pour tout Japonais, la beauté . »
On apprend ainsi que ce rendez-vous annuel qui fête les cerisiers épanouis s’appelle Hanami, autrement dit « aller voir les fleurs ».

Autre fête, autre rituel, celui du bain, qui pour un Japonais est un plaisir qui relève du bien-être, surtout quand il est collectif.
« En famille, en couple, entre amis, ils s’adonnent aux délices de la trempette pour folâtrer sans culpabilité. Ici, frotter le dos d’un proche est une marque d’affection. Le bain invite à l’insouciance. »
Avec sa nature volcanique, le royaume nippon compte pas moins de vingt-six mille sources situées à flanc de montagne, en ville ou à la campagne, sans parler des milliers de stations thermales qui font le bonheur de tous.
Outre les bains publics, il faut goûter aux onsen qui depuis la guerre et l’influence anglo-saxonne ne sont plus mixtes, exceptés une vingtaine.  Comme l’écrit Toula-Breysse, « Beaucoup de sources thermales offrent le plaisir de contempler la beauté d’un paysage, d’un bord de mer, d’une montagne, à l’image emblématique du mont Fuji, soit par de grandes baies vitrées, soit parce que les bains sont installés en extérieur (rotenburo). »

Cette douce harmonie avec la nature, on la savoure davantage lorsqu’on séjourne dans une auberge traditionnelle, appelée ryokan, parfois d’une modernité très stylisée, où le voyageur peut y vivre « une expérience unique ». On y boit du thé vert en l’accompagnant d’une pâtisserie locale, ou l’on partage son repas dans la chambre sur une table basse.
Puis vient « le temps de glisser dans une épaisse et douillette literie, le temps de rêver », assure l’auteur. Tel est l’esprit du Japon, ancestral, d’une rare modernité, sans cesse renouvelée.

L’album de Jean-Luc Toula-Breysse entraîne le lecteur au marché au poisson de Tsukiji, « le ventre de Tokyo », insiste sur le riz et le bœuf (wagyu), et le fameux bento, cette boîte-repas que dès l’école, le Japonais emporte pour son déjeuner, et plonge dans le kaiseki, « nec plus ultra de l’art culinaire », que Tanizaki nous invitait à « méditer ».
Manga, culte de l’apparence, le Kawaii (tout ce qui est « mignon »), la geisha ou la féminité exaltée et tant d’autres thèmes ou symboles relatifs au Japon éternel ou futuriste, sont abordés par l’auteur, intarissable.

/« Chaque réunion de thé est l’occasion d’éprouver quelque chose qui ne se reproduira jamais dans son existence », Soshitsu Sen

Mais au-delà de ces voyages, il en est un qui mérite une attention particulière car il est aussi un voyage intérieur : il s’agit du rituel du chanoyu, qui met en scène le thé depuis que le maître Sen no Rikyu l’a ritualisé. Toula-Breysse cite l’historien Shuichi Kato qui voit en ce temps de méditation l’« expression la plus élevée du culte de l’instant présent au Japon ».

On lira en parallèle la réédition chez Arléa de Vie du thé, esprit du thé, de Soshitsu Sen, 15e descendant d’une lignée de maîtres de thé. Ce grand lettré explore dans un style limpide la grâce, la simplicité et la légèreté de ce chanoyu voué à se perpétuer de siècle en siècle.
« Que l’on soit hôte ou invité, on doit se rappeler que dans une réunion de thé, il n’y a ni spectateur ni acteur, mais une réelle interaction des êtres humains,constate-t-il. En agissant de concert, l’hôte et l’invité ne font qu’un ».
Belle unicité en effet de ces théophiles réunis près d’un jardin où l’on a construit un pavillon en bois, où à l’intérieur chaque matière et chaque objet (tatami, fouet en bambou – chasen -, bol en porcelaine, art floral…) joue son rôle dans l’harmonie des gestes et ce qu’il appelle « l’équilibre corporel et spirituel ».

Il est vrai que cela ne viendrait à l’esprit de personne de remplacer l’incomparable thé en poudre matcha, chauffé à 60°, et devenu « mousse de jade » une fois battu, par n’importe quel autre thé. Toute forme d’eucharistie ne se perpétue qu’avec le respect de ses propres serviteurs. Ce merveilleux essai est donc aussi un petit traité de méditation. Très utile en cette saison printanière.

Pratique :

Deux livres pour vous guider :

Japan Book, voyage nippon,
Textes de Jean-Luc Toula-Breysse. Photographies, carnets et dessins de Véronique Durruty. Éditions La Martinière,  224 pages, 38 €.

Vie du thé, Esprit du thé,
de Soshitsu Sen, Arléa, 118 pages,  7 €.

Photo : ©Veronique-Durruty.

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