Lazaret, d’Alain Paucard

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Embarqué sur la pirogue de la drogue, dans Lazaret, Alain Paucard poursuit son propos sur ce que Bernard Le Saux, préfacier du livre, nomme « l’urbanisation démentielle » et par voie de conséquence, parce qu’il y en a bien une, l’idée que le quartier d’affaires de la Défense, cauchemar climatisé, ruiné et vide, devienne le lieu rêvé pour regrouper les junkies.

Entouré d’un mur électronique infranchissable, le quartier ressemble à un camp qui, à son fronton, pourrait s’enorgueillir de la devise : Rauschgift macht frei. S’ébattent des femmes belles, des artistes, dans l’attente de recevoir la dose miraculeuse. Paris vidé de ses drogués, triangle de la servitude, ce Vel’ d’Hiv’ d’un nouveau genre véhicule bien des antagonismes. La camarilla des camés doit laisser à l’entrée toute espérance. Tout se passe dans le plus total des conformismes. Chacun aura la personnalité qu’on lui attribue. Les captifs du vice s’essaient à nouer des amitiés et des amours inédites. Quant à leur guérison, c’est une autre paire de manches. On le sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Les âmes généreuses toujours à la recherche de solutions définitives s’en mordront les doigts. Ce qui ne les empêchera pas, allant d’échec en échec, de récidiver.

La surveillance permanente pèse. Comment sauver sa peau si on n’a plus que la peau sur les os ? D’ailleurs, est-ce possible ? « Les circonstances font la stance » écrivait un poète du XVe siècle. Trancher le nœud gordien de la came fait partie des illusions que les politiques imaginent corriger. Alain Paucard n’est pas un défaitiste. L’individu doit trouver ses propres forces de guérison.

C’est le message de ce livre qui prend place à côté du Misérable miracle d’Henri Michaux. Aldous Huxley, Ernst Jünger ont tâté des hallucinogènes. Ils n’ont pas poursuivi leurs expériences. Lazaret, roman, mérite le détour. Son écriture, son humour qui exsude, suffisent à entreprendre sa lecture.

Alfred Eibel

Lazaret, d’Alain Paucard, L’Âge d’Homme,   224 p. 12 €.

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