Pour en finir avec la langue de Shakespeare

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C’est plus qu’un coup de gueule, c’est un cri du cœur, un acte d’amour : l’ouvrage de Jean Luc Jeener Pour en finir avec la langue de Shakespeare, publié récemment aux éditions Atlande, est un saisissant plaidoyer en faveur de notre patrimoine commun : la langue française.

Qualifié de texte « brûlant et subtil » par l’éditeur, voila un essai lucide, pertinent et railleur commis dans une attachante tirade guerrière par l’un de nos derniers grands hommes de théâtre français : Jean-Luc Jeener, directeur du théâtre du Nord-Ouest, auteur, metteur en scène, acteur et critique de théâtre, critique pour CultureMag et Le Figaro, que l’on ne pourra taxer d’anglophobie puisqu’il est le seul en France à avoir mis en scène un cycle Shakespeare, avec Le Roi Lear, Hamlet, Troïlus et Cressida…

À l’origine du pamphlet, la désastreuse décision du gouvernement français de permettre l’enseignement en anglais dans les universités françaises et le maléfique article 2 de la loi du 22 juillet 2013 sur l’enseignement supérieur et la recherche qui en est la conséquence. Les premières phrases du livre donnent le ton : « [« La meilleure arme de la francophonie et de notre rayonnement est l’anglais ». Ainsi s’exprime Madame Geneviève Fioraso, à l’heure où j’écris, encore ministre de notre enseignement supérieur. Gribouille donc n’est pas mort. Pour sauver le français, il faut apprendre en anglais ! Pour sauver l’enseignement français, il faut enseigner en anglais ».]

À l’heure où Jean-Luc Jeener écrit, celle qui s’est jetée à l’eau par crainte de la pluie ne sait pas encore que sa sottise va provoquer la publication d’un remarquable libelle, qui n’a rien d’une « attaque contre l’anglais en soi, mais contre tous ces Français qui ne défendent pas leur langue et qui capitulent devant ce qu’ils croient être l’inéluctable ».

De là à envisager ce texte comme une déclaration de guerre, il n’y a qu’un pas qui sera franchi par le dramaturge, clamant haut et fort qu’un peuple, ce n’est pas une race, mais une histoire, une géographie, une culture et en premier lieu une langue qui tisse des liens puissants entre les hommes : « le français chargé d’histoire et de littérature, clair, précis, beau, riche, intelligent […] est l’une des seules langues qui porte une universalité. La défendre n’est pas une affaire de nationalistes aveugles ou de dinosaures fatigués, c’est un devoir d’humanité ».
En huit chapitres décisifs, l’auteur pourfend tant la bêtise que la lâcheté ambiantes face à cet envahissement d’un anglais appauvri qui « n’est plus la langue de Shakespeare, mais celle de Wall Street ».

Un texte argumenté, documenté, où le polémiste, quelque peu provocateur, ose le rapprochement entre ces Français qui ont collaboré en son temps avec l’ennemi allemand et ceux qui, aujourd’hui, s’accoutument passivement de l’étouffement de notre langue par une autre potentiellement « colonisatrice ». Et d’inviter alors le lecteur à la résistance !

Les puristes ne manqueront pas de déceler dans l’ouvrage quelques fautes de français, bien pardonnables dès lors que la cause est grave, que l’urgence est certaine et qu’une déclaration d’amour est un acte difficile et parfois maladroit.

Catherine Distinguin, administrateur d’Avenir de la Langue Française.

 Jean-Luc Jeener
Pour en finir avec la langue de Shakespeare
Éditions Atlande, 160 p. 15 €

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