Tourné au Canada, Une nouvelle amie explore les tourments contrastés de la jeune bourgeoisie à travers des personnages exceptionnels de vérité.
On ne le dira jamais assez, François Ozon est le cinéaste de la transgression. Et son dernier film est une perle dans le genre. Après Dans la maison et Jeune & jolie, deux longs métrages forts et ancrés dans la société d’aujourd’hui, voici Une nouvelle amie aux accents hitchcockiens et cukoriens.
À la mort de sa femme, un père de famille décide de s’habiller en femme pour la remplacer auprès de sa fille. Un jeu dangereux auquel il se prête volontiers en cachette de sa famille et de ses amis. Jusqu’au jour où la meilleure amie de son épouse découvre le pot aux roses.
François Ozon qui a librement adapté une nouvelle de la romancière britannique Ruth Rendell s’est dit attiré plus par le « déguisement » que par le « travestissement », en référence aux comédies américaines qui ont fait ricaner le grand public. Il aurait pu en tirer une comédie aux accents colorés, mais il a préféré tourner un film dramatique. Ce qui n’exclut nullement certaines scènes aux aspects burlesques ou grinçants. Déjà, dans son court métrage fort réussi, Une robe d’été, on sentait un certain effleurement du sujet. Ici, Romain Duris assume pleinement sa féminité, naturelle ou construite, jusqu’à se maquiller, porter une perruque et des talons hauts.
Comme le confie Ozon : « Le travestissement n’est pas le sujet du film mais une manière d’aborder la différence et les préjugés Ils sont davantage intériorisés que chez Douglas Sirk, question d’époque et de société, car finalement les beaux-parents de David, même s’ils sont de milieu catholique bourgeois, sont plutôt tolérants – du moment que tout ça reste caché ! »
Ozon filme avec délicatesse, en utilisant de longs travellings, en disséquant l’âme humaine avec un œil toujours avisé. Anaïs Desmoutier en rousse pudique, Raphaël Personnaz en mari compréhensif et bien sûr, Romain Duris en blonde travelote sont tous des personnages à part entière, habités par leur petit monde, déplacés parfois malgré eux de leur carcan bien tracé dès le départ. Ozon aime déjouer les réalités et laisser des questions en suspens.
Voilà pourquoi Une nouvelle amie est à regarder sans fards, comme un vrai suspense. Ozon nous entraîne au-delà de la scène tragi-comique que l’on veut bien observer au premier degré. Fantasmes, rêves, gros plans, retours en arrière, chaque ingrédient fonctionne assez bien. Même Nicole Croisille avec son succès, « Femme », est de la partie.
Il n’y a qu’Ozon pour ressortir ce genre de chanson estampillée « années 80 ». Dans un registre différent qu’Isabelle Aubret dans Potiche, il est vrai…..
Une nouvelle amie, film d’1 h 47 de François Ozon.
Avec Romain Duris, Raphaël Personnaz,Anaïs Demoustier et Aurore Clément.
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