Jean Lorrain poète

""« La décadence est la grande minute où une civilisation devient exquise », écrivait Jean Cocteau. Pour la représenter avec dignité, un écrivain se doit de l’épouser. Plus une classe sociale est corrompue, plus elle mérite d’être poussée dans les gouffres. Jean Lorrain (1855-1906) s’est chargé de cette tâche.

Romancier à succès, critique littéraire, familier des milieux interlopes, il aura usé de morphine, « goûté la lèvre enfantine et fleurie », fréquenté les mauvais garçons. Son maniérisme, sa lassitude  sont des plus réjouissants pour le lecteur d’aujourd’hui.

L’aristocratie corrompue en prend pour son grade. Prostitution, musique, attouchements confèrent aux poètes une dimension presque surnaturelle. Les filles le séduisent, à condition d’avoir les yeux alourdis de sommeil. Son appétit pour les désirs épuisés l’amène à écrire, après avoir écouté un jeune violoniste : « Ah ! tu me branles l’âme ».

De son vivant Jean Lorrain n’a publié que cinq recueils de poèmes. L’édition présente offre un supplément de soixante poèmes inconnus du public et des spécialistes. Dandy obsédé par la perversité, égocentrique, il se voit « debout dans la clarté fulgurante des cimes ».
Notre poète se dresse comme un hibou les yeux fermés, chavire à l’écoute des sons, à l’écoute des sons, ébloui par les couleurs. Les assauts libertins n’ont plus de secrets pour lui, habitué à de savantes caresses ; et, dès que l’occasion lui est fournie, il aime se pencher sur « un nombril où règne un sortilège ».
Ses poèmes enivrent, font perdre la raison, soumettent le lecteur à un baume adoucissant.

Bref, la poésie de Jean Lorrain est belle, prenante, offensive.

Alfred Eibel
Poésie complète, de Jean Lorrain
Éditions du Sandre
1049 p., 49 €

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