Napoléon : la Tiare dans les serres de l’Aigle

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C’est avec un sens de la métaphore certain que le château royal (et impérial) de Fontainebleau a choisi de commémorer l’anniversaire de la défaite de Napoléon en 1815.
Une année remplie de commémorations diverses que Fontainebleau place sous le signe de la relation entre la France et l’Église dont l’alliance remontait aux origines de la monarchie française avec Clovis. Cadre renversé par la Révolution
et restauré en partie par le Concordat voulu par Napoléon.
Illustrées par des objets inédits et exceptionnels, cette exposition montre les enjeux de pouvoir tout en dressant en filigranne les relations de l’Église et de l’État français au sortir de la Révolution.

   Le palais impérial de Fontainebleau a accueilli le pape Pie VII à deux reprises, dans des circonstances radicalement différentes : d’abord hôte sur le chemin du sacre en novembre 1804, puis prisonnier dans une geôle dorée de juin 1812 à janvier 1814.
Plus largement, l’ambition de l’exposition « Pie VII face à Napoléon. La tiare dans les serres de l’Aigle. Rome, Paris, Fontainebleau, 1796-1814» est d’explorer les relations tourmentées entre l’Église et l’État, des débuts italiens de Bonaparte en 1796 au rétablissement du pouvoir temporel du pape en 1814, en passant par le Concordat de 1801.
Pour rendre cet affrontement entre les deux pouvoirs sous un jour artistique et sous un angle iconographique, l’exposition mobilise les œuvres d’art commandées, offertes, confisquées ou restituées par les deux pouvoirs rivaux, ainsi que les créations graphiques révélant la véritable  « guerre d’images » que se livrèrent deux  souverains également habiles à jouer de leur image.

  Des œuvres insignes ont été empruntées : le  monumental Jupiter d’Otricoli , arraché au « museo pio » et présenté sur les bords de la Seine de 1800 à 1815 au Louvre, alors baptisé « musée Napoléon », jamais depuis lors revu en France et très exceptionnellement prêté en 2015 à Fontainebleau par les musées du Vatican ; la somptueuse tiare exécutée par l’orfèvre  Auguste et le joaillier Nitot, offerte par Napoléon à Pie VII, et conservée dans le Trésor de la Sacristie pontificale des Sacrés Palais ; une chasuble et ses accessoires liturgiques, ensemble unique peint sur soie de motifs chrétiens dans le langage néoclassique, toujours possédé par la famille du pape et inconnu jusqu’à ce jour, ainsi qu’un tableau peint par Francesco Manno : Pie VII dans la barque de l’Église ballotée par les flots dans son cadre en bois doré aux armes du pontife, œuvre axiale de l’exposition, au-dessus d’une immense carte des Postes de l’Empire français à son apogée en 1811, où se lisent les itinéraires de Pie VII balloté dans l’Europe dominée par Napoléon.

La visite des appartements où Pie VII séjourna en tant qu’hôte puis en tant que prisonnier rendent plus vivante et émouvante encore cette page d’Histoire. La déambulation conduira les visiteurs vers le petit cabinet tendu de rouge dans lequel Napoléon signa sa capitulation.

Pour parfaire la visite, le catalogue de l’exposition est un outil indispensable pour mesurer les enjeux.

Les partis pris d’un catalogue

"""Pie VII face à Napoléon. La Tiare dans les serres de l’Aigle. Rome-Paris-Fontainebleau, 1796-1814, catalogue édité avec le concours de la Fondation Napoléon, sous la direction de Christophe Beyeler, château de Fontainebleau et Réunion des musées nationaux, 10 essais, 136 notices, 206 ill., 248 p., 39 euros.

Au terme d’une décennie d’expositions napoléoniennes souvent redondantes l’une par rapport à l’autre, voici enfin un sujet neuf, traité sous un angle inédit, abordant l’affrontement entre Pie VII et Napoléon, soit le choc des pouvoirs spirituel et temporel au lendemain de la Révolution française.

Le propos est très solidement structuré. Qu’on en juge par les titres des sections qui s’articulent vigoureusement : « Rome à la merci de Paris. De la lutte à mort à la réconciliation, 1796-1801 »,  « Accord entre Rome et Paris. En quête d’une image officielle : le concours de l’an X, 1802», « Paris et Rome liées par un Concordat. L’Église dans l’État, 1801-1814 »,  « Rome à Paris. Pie VII auprès de la fille aînée de l’Église, novembre 1804-mai 1805 », « De Rome à Savone. Le Pape aux prises avec l’aigle : montée des tensions et ruptures, 1808-1812 »,  « Fontainebleau, geôle dorée. Le Pape dans les serres de l’Aigle, juin 1812-janvier 1814 », « Rome et Paris. Capitales impériales et scènes artistiques pour une guerre d’image, 1809-1814 », et  enfin « Rome de nouveau dans Rome.
Retour triomphal du pape dans la capitale de la chrétienté, 1814 », sans oublier, en guise de postface : « Rome, Sainte-Hélène, Paris. Face à face par-delà le tombeau, 1814-1840 ».

Cet ouvrage fait sortir de l’ombre de nombreuses œuvres jamais interrogées pour leur charge historique ou totalement inédites, puisées dans les réserves des musées de province ou récemment acquises par le musée Napoléon Ier château de Fontainebleau – rien moins que 39 sur les 136 du catalogue.

Le rôle de la maçonnerie est évoqué par un projet de statue érigée en l’honneur de Cambacérès par la loge parisienne le Cercle des amis et une Allégorie pour la naissance du roi de Rome, un dessin de Pinelli repris par la loge romaine la Vertu triomphante pour une médaille.
Des notices détaillées décodent le sens des tableaux et des estampes confrontés en une véritable guerre d’image. Une impressionnante moisson iconographique présente Rome comme la « deuxième capitale de l’empire français », et oppose terme à terme des tableaux présentés aux Salon de 1810 et 1812, étudiés par l’essai « Les ambiguïtés du Salon à Paris : Romains aux Tuileries et Français à Saint-Pierre ».

La maquette, très expressive, regorge d’astuces graphiques. L’affrontement entre les deux personnages est traduit par les bustes des deux protagonistes rapprochés  de profil au début du livre, puis opposés de trois-quarts arrière à la fin, divergeant en guise d’adieu, tandis que les deux rabats redoublent cet effet de sens en présentant le pape et  l’empereur en grand costume dessinés par Isabey et Percier pour le Livre du sacre. Un souci de pertinence iconographique souligne et scande de manière expressive chacune des parties.

Ainsi La France, appuyée par la Religion, consacre à Notre-Dame-des-Gloires des drapeaux pris sur l’ennemi, tableau commandé pour la chapelle du palais impérial des Tuileries, vient à l’appui de la partie « L’Église dans l’État ». L’iconographie, abondante et largement inédite, est somptueuse.

 

Pratique :

Napoléon – La tiare dans les serres de l’aigle
Jusqu’au 29 juin 2015

Château de Fontainebleau
77300 Fontainebleau
Tél : +33 (0) 1 60 71 50 70
www.musee-chateau-fontainebleau.fr

Tarif normal : 11,00 €
Tarif réduit : 9,00 €
Entrée libre (- 26 ans et 1er dim. du mois)

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