Dictionnaire amoureux de la Méditerranée

""Que revienne à Richard Millet le soin d’offrir à la célèbre collection des éditions Plon, et à nous lecteurs, un Dictionnaire amoureux de la Méditerranée n’étonnera pas ceux qui savent son goût pour le Liban, la Syrie, l’Italie, la Grèce, la France, bien sûr, les penseurs et les poètes arabes, le cinéma, la musique, la littérature, la philosophie, la peinture, lesquels doivent tant au bassin méditerranéen, à ce que l’on pourrait nommer la civilisation gréco-judéo-latine.

Ainsi trouvons-nous naturellement dans cet épais dictionnaire des entrées dont les simples noms réveillent un monde ancien et onirique, tout à la fois présent et retiré, dans un incomparable jeu d’ombre et de lumière, un territoire chatoyant et amical, tragique et noble, qui nous plonge d’emblée au cœur de la chaleur estivale à laquelle, que nous nous promenions dans les rues antiques modernes de Rome, dans celles de la captivante Naples, où rôdent encore les fantômes d’immenses musiciens et des mafieux de la Camorra, où, si l’on s’en écarte, se découvrent les miraculeuses cités de Pompéi et d’Herculanum, l’île de Capri et son inégalable Villa Malaparte à laquelle il est impossible de songer sans revoir le corps nu que la cruelle Brigitte Bardot filmée par Godard offre au soleil d’été ; que l’on songe simplement à ces deux villes latines, à la Corse, à Beyrouth, à Séville, à Tunis, à Lisbonne, à l’Égypte ou à Jérusalem, immédiatement nous vient le réflexe de chercher un refuge d’ombre et de fraîcheur dans une des innombrables églises, mosquées ou synagogues, ou sous un de ces arbres mythiques qui bordent l’inégalable mare nostrum, amandier, platane, figuier ou olivier.

L’amandier nous ramène à Ovide, « ce poète béni des dieux et des hommes, délicieux auteur des Amours, des Héroïdes et de L’Art d’aimer », qui, dans ses Héroïdes, nous a laissé une très belle lettre de Phyllis à Démophon, ce fils de Thésée et de Phèdre qui, ayant séduit la reine de Thrace, mit tant de temps à honorer sa promesse de retour qu’elle s’était donné la mort et transformée en un amandier sans feuille, avant qu’il revint lui rendre son feuillage.
L’amandier pourrait ainsi nous renvoyer à l’Ancien testament où il est décrit comme le guetteur, étant le premier arbre à fleurir au printemps, et Phyllis à Théophile de Viau, poète licencieux du grand siècle de famille protestante dont Millet ne parle pas, bien qu’il n’oublie pas Gide, Montaigne, Agrippa d’Aubigné et la région cathare de la France où plongent les racines de sa famille paternelle, ce qui vaut à ce dictionnaire de très belles pages sur Toulouse, la Garonne, le cassoulet…

Si la Méditerranée est bien le berceau culturel du monde, il revenait à un esprit aussi cultivé et méditerranéen de la chanter. Il y a bien entendu des choix et des partis pris discutables : pourquoi le grand Luchino Visconti n’a-t-il pas droit de cité aux côtés d’Antonioni, de Fellini, de Pasolini ? Néanmoins, l’essentiel de la civilisation méditerranéenne est là, tout entière dans sa philosophie, sa poésie, sa musique, son histoire, sa géographie, son art. On y rencontre même, non sans un certain étonnement, entre Saint-Augustin et Jacques Derrida, Yves Saint Laurent et Dalida. Et il est tout à fait merveilleux, pour un esprit curieux et amoureux de la méditerranée, qui ne peut s’offrir tous les voyages qu’il voudrait, de se promener ainsi d’une page à l’autre comme dans les jointures du temps et de l’espace, du souvenir et du désir.
« Retournons vers ces espaces où sont nés le monothéisme et la philosophie. Retrouvons la leçon de la nouvelle alliance entre l’Orient et l’Occident. Contemplons. Méditons. Vivons. »

Richard Millet, Dictionnaire amoureux de la Méditerranée, Plon, 806 pages

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