Fantastique ! Du Japon de Kuniyoshi à la France de Goya et Redon

""Fantastique ! L’Estampe visionnaire/Kuniyoshi

Le Petit Palais expose, en ce moment, autour du thème « Fantastique » une série d’estampes de Kuniyoshi (1797-1861) et du sombre XIXème siècle européen, essentiellement français.

L’exposition s’ouvre sur l’Extrême-Orient coloré d’un artiste qui nous est dévoilé pour la première fois en France puisqu’il fut longtemps dans l’ombre de Hokusai ou Utamaro et ne figura pas parmi les inspirateurs du Japonisme européen. Il vécut pendant la période d’Edo, lorsque le Japon décida de fermer ses portes aux étrangers, avec lui, nous pénétrons délicieusement dans la vie populaire de l’ancien Tokyo.

L’œuvre de Kuniyoshi est surtout composée d’estampes, représentant le pays du Soleil Levant, ses coutumes, ses mœurs et ses légendes. Il y a une vivacité dans ses gravures, une incroyable modernité qui inspirera les auteurs de mangas, et surtout cette maîtrise de l’art japonais caractérisé par l’expressivité des personnages dessinés en quelques traits, des corps aux contours presque enfantins contre-balancés par les détails étonnants des kimonos. Les estampes de Kuniyoshi sont regroupées par séries telles que « Au bord de l’eau les élégantes » ou « Les Huit vertus » ; séries parfois légendaires inspirées d’œuvres nippones où se mêlent l’héroïsme historique et les créatures fantastiques : carpes géantes, dragons … Après les guerriers, Kuniyoshi représente sur gravures des acteurs du théâtre Kabuki, un théâtre comique aux thèmes légers que des spectres et des apparitions fantastiques viennent animer.
Du guerrier à la courtisane, en passant par les scènes d’enfants et les paysages, Kuniyoshi démontre un art de la caricature, un travail de mise en scène qui, malgré la violence des thèmes et le fantastique, dégage un souffle et une insouciance joviale qui font songer au clair soleil de l’Orient que viendra obscurcir le soleil noir de l’Occident.

Estampe visionnaire : de Goya à Redon

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Le deuxième panneau de cette exposition en diptyque, explore les multiples nuances du noir à travers les gravures, les lithographies et les eaux-fortes d’un Romantisme d’une autre sorte.

Introduit par un court métrage d’Agnès Guillaume réalisé en 2014 où l’on voit un ballet d’oiseaux   volant sur le visage d’une femme endormie, nous entrons dans le vif du sujet avec les incontournables figures du fantastique occidental : Goya et ses caprices, Füssli et son Cauchemar, Rembrandt et le docteur Faustus, Dürer et la Mélancolie, enfin, Callot et la Tentation de saint Antoine. Ces cinq artistes détiennent tous les thèmes qui seront traités au long de ce romantisme noir qui débute avec Delacroix et se prolonge jusqu’à l’époque symboliste et décadente.

Le terme de Romantisme est aussi à repenser car nous sommes très loin des paysages de Kaspar David Friedrich et des Contemplations de Victor Hugo.
Les œuvres s’inspirent de légendes populaires et de récits littéraires : le Faust de Delacroix, Lénore et Mazzepa sont représentés par deux artistes que nous avons le plaisir de redécouvrir : Louis Boulanger et Célestin Nanteuil. Ils sont les parangons de ces artistes reconnus par les salons du XIXème et qui gravitèrent autour du Cénacle, dont l’originalité fut écartée plus tard par nos manuels.

""En effet, plus proche de Baudelaire que d’Hugo, qui inspire seulement pour l’angoissante inquiétude du Dernier jour d’un condamné, les graveurs cherchent à bousculer le réalisme trop rationnel en introduisant le bizarre dans les scènes de vie quotidienne. Gustave doré illustre ce courant, suivi de Legros et Bracquemond.

Pour finir, le symbolisme d’Odilon Redon, de Rethel et de Grandville où les squelettes rient des vivants et les entraînent dans une danse mortelle, nous ouvre les abysses du néant qui revêt des formes parfois ridicules, qui donneraient presque à rire si nous ne nous reconnaissions pas nous-même dans ces portraits.

Le constat est flagrant, l’Occident, le soleil tombant, appelle comme un dernier recours à son esprit malade, le Fantastique qui n’est pour l’Orient que le fruit d’une joie guerrière et d’une sage innocence, un éclat de l’inspiration qui divertit sans incarner un mal existentiel.

Cependant que la dernière œuvre de Kuniyoshi annonce la fin d’un monde, en dessinant l’ouverture des ports japonais aux navires européens.

Baudoin de Guillebon

Pratique :

Fantastique !
L’Estampe visionnaire/ Kuniyoshi

Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill – 75008 Paris

Horaires
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi et certains jours fériés
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h
Illustrations :

Boulanger, Lénore

Odilon Redon, Crâne d’oeuf

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