De l’influence des intellectuels sur les talons aiguilles, de Roland Jaccard

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Cinquante petites chroniques terribles sont rassemblées dans De l’influence des intellectuels sur les talons aiguilles pour la délectation du lecteur.

Ici, Roland Jaccard s’amuse à retirer cannes et béquilles à ceux qui s’appuient sur des certitudes, des usages, des postures ou des contrevérités. Il dynamite quelques fondations, fait le ménage parmi nos illusions, accablé qu’il est, on le sent bien, par la connerie, virus dont on n’a pas trouvé l’antidote. L’humour y trouve son compte ajouté à une bonne dose de rosseries pour le confort du lecteur. D’ailleurs le lecteur
perspicace ne peut qu’applaudir des deux mains devant tant de situations pas piquées des hannetons, devant  tant  de toges  soulevées, car  c’est dans  les  coulisses  des  penseurs qu’on  découvre  leurs simagrées.
Chère Europe, son but déclaré est de saper le navire qui assure sa traversée et l’on sait que rien ne pourra la faire changer de direction. L’Europe sait tout, rebondit sur d’antiques idéologies, sur des fantasmes, persuadée que le chemin indiqué par ses apparatchiks nous mènera vers la lumière. Le grand art de quelques penseurs est de travestir la vérité.

Ils sont ce qu’on appelle en allemand Betriebsblind, traduction « aveugle d’entreprise », prisonniers de schémas anciens, possédant, on s’en doutait, la parole révélée. La vérité, rien que la vérité, est une notion obsolète depuis belle lurette.
Penseurs sans foi ni loi, affectant de braver les convenances, celles-ci se présentent comme une suite de   petits   arrangements   entre   bandes   organisées,   autrement   dit   le   parti   de   la   canaille   avec   en supplément des allures d’aristo, ce  que Georges Sanders  a  si bien décrit dans  Mémoires d’une fripouille.
Faisons nos choux gras de Karl Kraus, Peter Altenberg, Henri Roorda, E.M.Cioran, Louis Scutenaire, Pierre Drachline, Léo Slezak et John Kennedy Toole qui, avec La Conjuration des imbéciles, a mis en œuvre la décadence du monde occidental. On retrouve quelque chose de Toole dans le livre de Roland Jaccard notamment quand celui-ci écrit : «L’agonie d’une civilisation tient aussi au fait qu’elle a perdu ses défenses immunitaires.

Elle ne sait plus comment se défendre, ni pourquoi elle devrait le faire ». Ce livre plein de sarcasmes comme autant de corbeaux croassant, appartient  à un genre typiquement viennois appelé blödeln, difficilement traduisible, dont l’équivalent français serait celui-ci : faire l’idiot. Un personnage de Dostoïevski.
Sauf que les propos désordonnés du personnage russe n’en demeurent pas moins prémonitoires. Je « suppose avec certitude » que Roland Jaccard a plus appris en fréquentant les bergers des Carpathes qu’en fréquentant les malins de Paris.
Il en ressort que les  tyrans  d’aujourd’hui et   de  demain  construiront  sur   la  planète   entière  des  parcs  d’attraction composés d’une variété infinie de massifs de fleurs de toutes les espèces. Le peuple sera amené à s’y promener à heure fixe avec obligation d’admirer cet épanouissement floral et de pousser des cris de joie. Pendant ce temps, le tyran prendra seul ses décisions pour le bien-être de sa personne, de sa famille, de ses proches. Le peuple ? Une idée périmée.

Les participants mis en cause dans ce livre n’ont qu’à bien se tenir : Roland Jaccard est un redoutable escrimeur.

Alfred Eibel

De l’influence des intellectuels sur les talons aiguilles, de Roland Jaccard. Pierre-Guillaume de Roux éditeur,  224 p. 23,90 €.

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