Pottsville, 1280 habitants

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Nick Corey, shérif en chef du comté de Pottsville, est un traine-savates tourné en bourrique par sa femme, son abruti de frère, et par ses potes. Il est la risée de ceux qui abusent de sa gentillesse.
C’est
son côté gobe-mouche. Mais Nick est un homme patient dans un monde de bouseux. Il encaisse, un peu bébête quand les tracasseries l’accablent. Son calme a ses limites.

Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais chatouiller un lion  avec une plume d’autruche. À force d’accumuler les désillusions, à force de se justifier, de s’exciter sans raison valable, d’en avoir plein les narines des mauvaises odeurs, obligé
de faire l’apologie de son devoir, dissiper les malentendus notamment auprès des femmes, Nick finit par péter les plombs. Les actes destructeurs s’enchaînent, l’ignoble et l’odieux forment une nébuleuse aux effets entortillés.

La nouvelle traduction de ce livre par Jean-Paul Gratias par rapport  à la précédente, celle de Marcel Duhamel, colle au plus près du texte, fait mieux ressortir l’inénarrable, ne cherche pas à niveler la prose de Jim Thompson (1906-1977).
Au contraire, Gratias s’adapte à ses cahots d’écriture, à sa lave déferlante. Les amateurs de « littérature policière douce » ne trouveront pas ici leur compte. Jim  Thompson, qui eut une vie bien agitée, circonscrit une société de souteneurs, d’imbéciles heureux, de psychopathes tapis dans l’ombre.
Dans sa vision pervertie de la société règne la corruption, la perte de l’honneur.
Par contre il met en évidence son goût des humbles et des paumés, des dupés qui en ont marre de se laisser marcher sur les pieds. Thompson dénonce les mensonges passe-droits des bourricots.

L’ensemble forme une galerie de portraits que Dostoïevski n’aurait pas désavoué.

Alfred Eibel

Jim Thompson, Pottsville, 1280 habitants, Éditions Rivages/Noir, 270 p. 8 €.

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