Quand Cannes (et d’autres) critiquent l’AC*…

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L’Art dit « contemporain » a fait sensation au Festival de Cannes.
Le  film « The square », un drame suédo-danois réalisé par Ruben Östlund, est une satire grinçante du milieu « arty » : il vient de remporter la Palme d’Or. Son  héros, un quadra, conservateur d’un musée d’art contemporain, roule en voiture électrique et soutient les grandes causes humanitaires.

Sa prochaine exposition, « The Square », est une installation  incitant les visiteurs à l’altruisme… Le film montre la difficulté de vivre en accord avec des valeurs utopiques et comment cet univers du Bien va déraper, en particulier lors d’un diner de gala : le performer engagé par le musée pour  imiter un singe, est plus vrai que nature et suscite  gêne puis violence, cliquer. La presse  est partagée. D’un côté, les journalistes très branchés et visiblement furieux d’être épinglés, ont trouvé  que The square est un « film de vaniteux », même si Östlund excelle à pointer l’hypocrisie bourgeoise ou la  mince frontière entre l’art et la com’. De l’autre, une presse plus distanciée face aux expos d’art très contemporain, y a vu  « une expérience visuelle essentielle », un peu longue peut-être (2h 20). Le film devrait sortir sous peu et permettre au spectateur de juger.

Un autre film, à petit budget lui, « Entretien avec Jean Croque »(1), comédie décalée sur un entrepreneur de pompes funèbres, comporte également une scène sur un artiste international d’AC* : le (fictionnel) Dr Jivaro, dont l’œuvre consiste à « mettre en valeur l’âme du défunt » autrement dit… à lui réduire la tête, comme un bon vieux sauvage. La critique de l’AC est en train de devenir incontournable et démontre régulièrement que ce qui est présenté comme la fine fleur de l’art occidental (ou plutôt mondialisé) est en fait un retour rusé à une forme de sauvagerie.

La critique de l’AC est difficile car, par définition, l’AC est  excessif et radical puisque comportant dans son ADN une obligation de transgression. On n’y compte plus les lacérations  (Gina Pane), doigt coupé (Pinoncelli), marquage au fer rouge (Journiac), fœtus humains rôtis (groupe chinois Cadavre sic) etc. Il est donc ardu, voire impossible, de caricaturer une caricature. Les exemples sont légions : le site de « Bernadette Michu » cliquer taclait l’invasion de l’AC dans les musées traditionnels en postant des photos-montages de carcasses de boucherie dans les salles du Louvre… Las, quelques mois plus tard, le Louvre invitait Jan Fabre qui se livrait, pour de vrai, à des intrusions d’un goût similaire !

Mais un nouveau critique, efficace, incontestable, est en train d’apparaître : le Réel. Que valent les atrocités que nos chers artistes d’AC monnayent à coup de dollars ou de « retombées médiatiques » face à cet irakien affronté à l’Etat islamique et qui témoigne, avec ses seuls crayons, des atrocités dont il fut l’involontaire témoin ? cliquer

Quand les appareils photos sont interdits, le crayon, si méprisé aujourd’hui dans certaines écoles d’Art, reprend son importance.

Rien de plus implacable que le Réel et Valérie Duponchelle dans le Figaroscope (2) s’en est rendu compte à propos d’Orlan, célèbre pour avoir transféré son geste de sculpteur au chirurgien qui lui implanta deux bosses sur le crâne. « L’artiste, née en 1947, vieillit. Trahison du temps et chirurgie rendent les audaces plus cruelles à vivre et à voir » . Qu’on se le dise : le Temps sera le censeur le plus impitoyable du « Contemporain ». Mais encore faut-il qu’on puisse le dire et que le public puisse le comprendre …tant le milieu « arty » est habile à effacer la mémoire longue au profit de l’instantané.

Christine Sourgins

*AC = art contemporain officiel à vocation financière.

(1)« Entretien avec Jean Croque », film de Sullice et Charley avec Francis Coffinet, 2017.

(2)« Le corps endiablé à la MEP », Figaroscope du 24 au 30 mai 2017, p.26.

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