Michel Onfray : la raison du vide

/Le bref livre de Rémi Lélian est un petit pamphlet au goût exquis dirigé contre Michel Onfray, l’auteur ne s’en cache pas, qui l’avoue dans sa postface.
Pourquoi un pamphlet ?

Parce que plusieurs livres raisonnés ont déjà été écrits pour démontrer l’inanité de la « pensée philosophique » du plus médiatique de nos professeurs de morale. Et parce que Michel Onfray, qui refuse tout débat argumenté et qui lui-même ne se prive pas d’invectiver ses contradicteurs, mérite, à l’instar de l’enfant narcissique et obtus qu’il incarne, qu’on lui administre quelques gifles pour tenter de lui faire reprendre goût à la raison.

Rémi Lélian réussit avec brio cet exercice salvateur : il tient comme un père son rejeton rétif bien serré entre ses jambes et lui envoie quelques torgnoles bien pesées. Car il ne suffit pas que le professeur de l’université populaire de Caen se moque des universitaires et prétende leur passer par-dessus, il induit en sus en erreur bon nombre de nos contemporains perdus et simples, à qui il promet la lune sans jamais leur montrer que la sienne – épouvantable leurre.

Qu’a pensé ou énoncé Michel Onfray qui ait fait avancer ne serait-ce que d’un iota l’humanité ? Rien. Il pense et énonce en ayant toujours soin de se trouver dans le sens du courant de l’actualité.
Il dit ce que l’on espère qu’il dira et qui rassurera les petites gens que nous sommes au moment où il le faut.
Il est de gauche, il est de droite, selon les tendances du moment. Il pourfend les religions quand celles-ci semblent en mesure de questionner le monde et nos consciences éteintes. Il fait l’apologie de l’hédonisme, cette morale sans morale qui plaît tant à notre époque paresseuse et indolente.
Il parle de nourriture aux Français, il leur explique que leurs maux viennent de ce qu’ils ont été sous le joug des religions juive et chrétienne, qu’ils pourraient venir à présent de la religion islamique, mais quand même pas tout à fait, car il ne faut pas se mettre ces gens de force et de vigueur à dos.
Il pense à sa notoriété avant tout, et aux ventes de ses livres, car l’argent permet de rester libre, nous le savons tous.

Onfray parle de cuisine et de la nourriture des philosophes de manière anecdotique, il est incapable d’atteindre la hauteur philosophique de Jérôme Thélot, universitaire lui, et professeur de littérature, dont le Traité de l’intraitable, titré Au commencement était la faim nourrit notre intellect avec consistance. Onfray parle de cheval, il n’atteint pas la cheville de l’écrivain Pascal Quignard et de ses Désarçonnés.
Onfray parle des religions, il n’en dit rien, sinon qu’elles sont méchantes et toutes semblables, ainsi Rémi Lélian a-t-il raison d’écrire que « Intellectuellement, le Traité d’athéologie est un livre d’arrière-garde. Philosophiquement, il est nul. Contextuellement, par contre, il approche la perfection, surgissant à l’instant idéal pour rassurer tout le monde, et nous raconter que rien de nouveau n’arrivait, puisqu’un tel bouquin en unissant les trois monothéismes dans l’ignoble n’en séparait aucun. »
Onfray est un hédoniste qui ne rit pas, ce qui n’est pas le moindre de ses paradoxes et qui démontre qu’il se sait au profond de lui-même sur une pente savonneuse, qu’il lui faut s’agripper bien fort à son petit rocher d’ego, ce qui lui donne toujours cet air constipé.
Les hommes qui ne rient pas, qui se prennent au sérieux sont toujours des Tartuffe craignant qu’un importun lève le voile et révèle leurs ambitions honteuses. Ils ne rient pas car ils ont peur, et ils ont peur car ils mentent.
Onfray avoue tromper sa femme et il appelle cela être hédoniste, il pare de vertu ses vices, cela peut épater le gogo, mais fera toujours de lui un homme turpide aux yeux des honnêtes gens, au vrai sens du mot.

Laissons donc la parole à Rémi Lélian pour conclure : « En politique, nous devrions le rapprocher de la figure de Mitterrand, président sans morale et sans destin, authentique collabo et authentique résistant, que seule une époque terminale a pu satisfaire et à qui elle a donné un destin et une morale de pacotille à travers l’image du dernier monarque français. Onfray, c’est Mitterrand en philosophie, la roublardise et son intelligence dévolues à sa propre cause, la figure du condottiere, encore…

De facto, comme Mitterrand, Onfray outrepasse les catégories, ni dans le système ni en dehors, à la façon dont Mitterrand ne fut finalement ni de gauche ni de droite, mais ailleurs – tel qu’en lui-même -, capable de s’y soumettre et parfois aussi de le refuser, il le retourne dans une parodie de surmontement nietzschéen. »

Rémi Lélian, Michel Onfray, la raison du vide, 2017, éditions Pierre-Guillaume de Roux, 130 pages

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