Tintoret au Luxembourg

Exposer un artiste aussi grand et pléthorique que Tintoret demande de faire des choix, et, plus encore, de savoir gérer les espaces.
Le Musée du Luxembourg se propose donc de dévoiler l’œuvre du génie vénitien à travers ses origines, dans un espace restreint mais particulièrement bien pensé.

 

Dès l’entrée, le ton est donné : l’autoportrait du jeune maître, alors âgé d’environ trente ans, nous accueille. Seul sur le mur, immanquable, il semble comme surpris en plein travail par ceux qui le visitent.

Figé dans un mouvement de retournement, il annonce déjà plusieurs des éléments qui feront sa gloire : le jeu sur l’obscurité et la lumière, le placement et le mouvement ; en somme, le maniérisme auquel il fournira quelques-unes de ses plus belles œuvres.

 Apparition du génie éternel

Le chemin se poursuit dans sept salles qui regroupent les œuvres selon leur thématique : on traverse ainsi ses premières œuvres, son art ornemental, sa capacité à capter le regard, les œuvres faites à plusieurs, son art de la mise en scène, son amour pour la sculpture et sa maestria dans la peinture de la femme.
Elles se suivent sans forcément se ressembler, mais la mise en scène permet de voir les salles entre elles, par les larges fentes pratiquées çà et là dans leurs cloisons, ce qui permet d’ouvrir un espace qui est relativement restreint et lui donne ainsi une atmosphère plus respirable.

Car il faut le trouver, cet air. Tintoret est un peintre très populaire, et l’exposition l’est tout autant : il faut éviter les heures de pointe pour profiter pleinement de la proximité avec les œuvres que permet cette exposition, et ainsi embrasser d’un seul regard les plus grands ouvrages du jeune peintre fils de teinturier, véritable prodige issu d’une classe sociale des plus modestes.

 

Rendre compte de l’éclectisme

L’organisation de l’exposition n’est pas thématique par manque d’inspiration, et permet, à l’inverse, de dévoiler les nombreuses facettes du jeune artiste de Venise.

En naviguant d’une salle à l’autre, une étrange impression de voyage dans le temps se dégage, signe d’un éclectisme peu commun. Ainsi, du Jeune homme à l’épée à Esther devant Assuérus, les couleurs, la netteté et les jeux de lumière diffèrent tellement que l’on croirait traverser des siècles de peinture.
De même, le sens de la proportion et celui de la perspective le mettent dans le sillon de Vinci, quand la mise en scène désunie l’inscrit pleinement dans le maniérisme de Michel-Ange.
De fait, on saisit, presque d’un regard, à quel point Tintoret a su se diversifier, du portrait aux scènes bibliques, de l’œuvre d’art à la peinture de salon ; et même hors de la peinture, par son intérêt pour la sculpture et le théâtre, pour plus tard s’accomplir comme un des plus grands peintres de son temps.

Réussir à rendre compte de cette variété dans une exposition « à taille humaine » est un véritable tour de force. Même s’il faut éviter le monde pour pouvoir en profiter, chose qui n’est pas aisée au Luxembourg.

 

Maximilien Herveau

 

Pratique :

Exposition « Tintoret, naissance d’un génie »
Du 7 mars au 1er juillet 2018
Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris.

 

https://museeduluxembourg.fr/expositions/tintoret-naissance-dun-genie

 

Tintoret, Autoportrait, vers 1547, huile sur toile, 45,1 x 38,1 cm, Philadelphie, Philadelphia Museum of Art
Don de Marion R. Ascoli et du Marion R. et Max Ascoli Fund en honneur de Lessing Rosenwald, 1983, © Philadelphia Museum of Art

Tintoret, Esther devant Assuérus, vers 1554-1555, huile sur toile, 59 x 203 cm, Madrid, Museo Nacional del Prado, © Museo Nacional del Prado, dist. Rmn-GP / image du Prado

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