La déconcentration des labels ? Une erreur d’analyse !

Alors que les attaques à notre patrimoine s’étend à toute la France du désastreux projet sur le parvis de la cathédrale de la ville de Chartres en passant par le monstrueux projet de bétonnage du centre de Lille, la déconcentration des Labels ressemble à une farce. Mais c’est une parade en faveur des bétonneurs qui ne trompe que les naïfs.

CultureMag donne la parole à Monsieur le Ministre Martin Malvy sur ce sujet grave.

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Par Martin Malvy, président de Sites & Cités remarquables, ancien Ministre : la déconcentration des labels ! Une erreur d’analyse.

Lequel d’entre nous n’a pas un jour souhaité davantage de décentralisation ou de déconcentration ? Il n’est donc pas question de contester la vague de transferts de décisions aux DRAC et aux Préfets de Région qui vient d’intervenir.

On est même surpris de redécouvrir que la désignation d’un arbitre lorsqu’il y a désaccord à propos de la réalisation d’une fouille réalisée par l’INRAP relevait encore du niveau national, que l’attribution de subventions aux collectivités locales pour les dites fouilles préventives étaient encore du ressort du Ministre ou que les conservateurs délégués des Antiquités et Objets d’Art, « mission accessoire exercée à temps incomplet », étaient nommés  pour une durée de quatre ans « par arrêté ministériel après instruction du dossier par la DRAC qui recueille… l’avis du préfet de département et l’avis de la Commission nationale  du patrimoine et de l’architecture ».

Qu’il soit nécessaire d’alléger va dans le bon sens. Même chose pour l’exécution de travaux d’office sur les Monuments Historiques après mise en demeure « lorsque la conservation du monument historique classé est gravement compromise » qui est désormais de la compétence du Préfet de Région.

On est en droit par contre de s’interroger afin de savoir si, emporté par le mouvement et pour faire nombre, le Gouvernement n’est pas allé trop loin en déconcentrant des domaines dans lesquels la reconnaissance par l’Etat, au niveau du ministre de la Culture, constitue la garantie de l’identification de l’appartenance à une politique nationale.

Certaines fiches qui accompagnent des mesures déconcentrées mentionnent ce souci. Il en va ainsi par exemple pour le label « exposition d’intérêt national ». Sa déconcentration portera sur la notification, mais précise le mode d’emploi : « s’agissant d’un label national, (…) les projets lauréats resteront sélectionnés par l’administration centrale ».

On se demande alors pourquoi d’autres labels nationaux – les « Villes et Pays d’art et d’histoire » ou les « Centres culturels de rencontre » – n’ont pas été traités avec la même réserve.  Les 202 Villes et Pays d’art et d’histoire constituent un réseau « national » et sont le fruit d’une volonté des maires ou présidents d’intercommunalité, dans le domaine du patrimoine, de son rôle dans l’aménagement culturel du territoire et dans l’économie locale et touristique.

L’attribution du label était de la compétence du Ministre de la Culture après avis du Conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire et d’une double instruction, par les DRAC et par les services du ministère. La double instruction disparaît. C’est une saine mesure. Par contre le transfert est total et c’est le Préfet de Région qui attribuera. 

Moins de deux dossiers par DRAC et par an !

Il y aura en moyenne moins de deux dossiers par an et par DRAC.
Disparaîtra donc l’homogénéité des choix au bénéfice d’appréciations qui ne seront pas de même nature. C’est oublier totalement ce que rappelle le Comité d’Histoire du ministère lui-même, dans un article qu’il consacrait à Max Querrien l’année dernière. Max Querrien fut Directeur de l’Architecture d’André MALRAUX et Président de la Caisse Nationale des Monuments Historiques. C’est sous son impulsion que le label a pris sa vraie dimension en 1985.
« Il accomplit – écrit l’auteur de cet article – la mission qu’il avait décrite à André MALRAUX dès 1963 et parvient à faire passer les monuments historiques du statut d’objet de luxe pour privilégiés à celui de gisement de culture historique, architecturale et artistique accessible à tous. Il s’est appuyé – poursuit-il – sur le réseau des Villes et Pays d’Art et d’Histoire et les Centres Culturels de Rencontre, les conventions de partenariat et de complicité avec les collectivités locales et les associations ».

 

Tout est là d’une politique qu’un trop de déconcentration mettra à mal si le ministre de la Culture ne trouve pas la parade à cette parcellisation qu’une rencontre annuelle des DRAC ne résoudra évidemment pas. Et ce d’autant moins, qu’à l’encontre de ce que fit Querrien, les collectivités locales disparaissent totalement du dispositif d’accréditation. Le ministère ne retient même pas les maires dans l’énumération des personnes que les Préfets appelleront à siéger dans les Commissions régionales architecture et Patrimoine, désormais compétentes pour émettre les avis et les transmettre aux Préfets de Région. 

Il ne s’agit pas de contester la capacité des Directions régionales qui effectuaient déjà ce travail, ni celle des représentants de l’Etat en Région qui confirmeront leurs choix. Par contre, le manque de considération des élus qui sont les initiateurs de ces politiques et leurs premiers financeurs en a choqué plus d’un.
Il en va de même de l’articulation culture-tourisme dont l’efficacité est directement liée à une démarche nationale qui disparait et ne saurait se résumer à une rencontre annuelle des dix à quinze nouveaux entrants avec le ministre de la Culture. Ces labels ne sont pas des hochets. Ce sont de vrais outils au service du développement économique.

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