Jean-François De Bus, le Maître de la grande tribulation

Peintre du grand chambardement, Jean  François De Bus convoque le monde à venir figurer sur ses grandes toiles, le faisant échapper par la  grâce du pinceau au destin éphémère qui l’attend sur l’autre toile.
 
Il assigne tous nos contemporains à y comparaître avec leurs possessions multiples, ainsi  que les bêtes, plantes et machines saisis en pleine action, il les entraine avec armes et baguages  dans le mouvement d’une grande procession, en route vers les fins dernières.
Tout tient, comme dans une arche vouée à flotter sur les ondes de la mer virtuelle, dans les quinze triptyques monumentaux de trois mètres soixante par deux mètres et bien d’autres tableaux de moindre formats.
 
On s’interroge au pied de ces grandes toiles énigmatiques…de quoi s’agit il ?
La vision des « danses macabres  » au 14 ème siècle vient à l’esprit comme une réminiscence .souvenez vous! clercs ,princesses et manants s’y tenaient par la main, allant vers une dernière fête ,un banquet au milieu des cadavres de la grande peste….
Ici nous sommes rendus à l’âge postmoderne. la farandole a pris une ampleur universelle et une fébrilité sans pareil !
Jean François De bus a capturé sur ses toiles toutes ces images que nous voyons fuir sur nos écrans et dans la rue à longueur de journée…
 
Exploit d’un œil exercé qui a eu le temps de les voir dans le court instant qui sépare leur apparition de leur disparition. Ensuite il les a considérées, apprivoisées et peintes.
L’œuvre de Jean François De Bus est paradoxale, elle exprime en apparence le trop plein de tout, l’accumulation infinie des marchandises, une saturation universelle.
Serait ce une belle image de la société de consommation dans sa gloire colorée et festive?
A moins qu’il ne s’agisse d’une critique? d’une dénonciation du grand gaspillage universel?
Cela s’est beaucoup fait entre les années 60 et 80.est ce un écho lointain de la culture pop, de la bande dessinée, de la peinture « engagée » son œuvre peinte ne semble entrer dans aucune de ces catégories.
 
Aurions nous changé d’époque ?
 
Le langage pictural de De Bus n’est pas manichéen et échappe à toute vindicte ou accusation universelle.
Jean François De Bus n’est pas d’évidence un donneur de leçons morales, ni un créateur de concepts. il est occupé à tout autre chose:
à peindre.
 
D’un coup de pinceau  il sait retourner la banale réalité comme un gant: ces objets  sériels et de pacotille qui nous entourent deviennent grâce à lui uniques et poétiques! Il a le don de peupler ses foules d’êtres éminemment singuliers.
Il les pare, les met en scène et en forme pour une autre vie et un autre temps.
 
Jean François De Bus œuvre en sachant qu’il ne connait rien qu’il n’est  dessiné et peint : cet acte le fait désirer, comprendre et aimer.
Ce geste délaissé de la peinture peut opérer une métamorphose positive du monde…
Jean François De Bus appartient à ce courant, fortement condamné, qui cherche à redonner une aura aux choses peintes. il y a là de sa part une rupture avec » ce qui se fait ».
 
Silencieusement Jean François De Bus représente les grands évènements de l’actualité : raz de marée, effondrement des tours éruptions de volcans, faits divers en tous genres… chaque triptyque devient une sorte d’almanach de l’année ou il a été peint !
La lenteur que nécessite la fabrication de l’image sauve la catastrophe de sa négation presque immédiate, sans rédemption possible.
Le volcan sitôt apparu ,disparait à l’arrivée de la grande marée noire qui s’évanouit à la suite du krach boursier… grâce à ce procédé « archaïque » de la peinture s’opère une résistance à la réduction acharnée du monde à son concept.
 
Lorsque l’on s’éloigne des grandes toiles et que l’on cesse de fixer l’infini de ses détails, l’impression de chaos s’estompe, l’œuvre se compose sous nos yeux.
un grand mouvement devient perceptible, des  rythmes apparaissent, nous sommes pris dans un flux, comme celui de eaux d’un grand fleuve.
On aperçoit avec le recul, des repaires, des amers, des personnages énigmatiques, tout fait signe.
La contemplation des images peut commencer !
 
Rien n’est insensé dans cette grande tribulation picturale qui cache bien des trésors.
 
Ils ne se révèleront qu’avec le temps.
 
Aude de Kerros

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