« À propos de la difficulté d’obtenir en Russie la moindre des choses à cause de la « sainte bureaucratie », le comte Pahlen nous dit : pour se faire même un W.-C., il ne faut pas moins de trois ministères : celui de l’Intérieur, celui des voies de communication pour les voies d’eau, et celui de l’Agriculture en vue de l’amélioration des champs ».
Durant cette période, la guerre russo-japonaise bat son plein. Von Knorring œuvre au cœur du pouvoir tsariste, chargé de missions spéciales, surmené mais serein, constatant que l’horizon politique a mauvais aspect ; œuvrant de plus pour une bonne entente entre Berlin et Moscou. À l’horizon se profile une nouvelle Russie qui ne tardera pas à inquiéter le Tsar et sa Cour, à savoir le pouvoir entre les mains de personnages considérables. Von Knorring navigue entre barons et baronnes, comtes et comtesses, princes et grand Maréchal de la Cour, sans oublier quelques ambassadeurs. Tout ce joli monde ne sent pas venir les vents contraires. Par contre, il sait se tenir en société, mais ne sait que cela, se congratuler pour mieux se supporter. Knorring rapporte ce qu’il entend, ce qu’il voit, ce qu’il éprouve sans justifier ou couvrir qui que ce soit.
Son journal découvert par hasard n’était pas destiné à la publication. Il en dit plus que ces mémorialistes qui s’attribuent des mérites qu’ils ne méritent pas. Avec Knorring, ni belles phrases, ni littérature. Il lui arrive de se retrouver dans une situation difficile. Son expérience le persuade qu’un homme de bien ne suffit pas toujours à faire un bon ministre.
Le lecteur jugera. Il pourra s’interroger : comment en est-on arrivé là ? Né en 1859, Knorring fuit sa patrie après la prise du pouvoir par les bolcheviks.
Il s’installe alors en Suisse, à Vevey, où il meurt en 1931.
Alfred Eibel
Éditions des Syrtes, 271 p. 20 €.
Baron Ludwig von Knorring, Journal intime. Saint-Pétersbourg, Moscou, Berlin, Mandchourie,
1903-1906, Éditions des Syrtes, 271 p. 20 €.
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