Off d’Avignon : Les Enfants du Diable

Les Enfants du Diable : une nuit pour se souvenir, survivre, se réparer

Parfois, une nuit suffit à bouleverser une vie. Dans le cas de Niki et Veronica, cette nuit-là convoque vingt ans d’un passé qu’on préférerait taire. Pourtant, sur scène, il faut tout dire. Tout affronter. Jusqu’à peut-être renaître.

Une pièce coup-de-poing, née d’une mémoire brisée

Avec « Les Enfants du Diable », Clémence Baron ne signe pas seulement une œuvre dramatique, elle nous livre une déflagration émotionnelle. À travers une écriture maîtrisée et une mise en scène sobre et tendue, elle nous entraîne dans l’histoire poignante d’une fratrie brisée par l’un des chapitres les plus noirs de la Roumanie contemporaine : celui des orphelinats de l’ère Ceaușescu. Ces mouroirs d’État, découverts avec effroi à la chute du régime en 1989, ont vu grandir, ou plutôt dépérir,  des milliers d’enfants qualifiés d’« irrécupérables », exclus du droit à l’amour, à la tendresse, à l’humanité.

« Les Enfants du Diable », c’est le surnom que la rumeur a donné à ces petits êtres sacrifiés par une politique nataliste absurde et monstrueuse. Mais ici, ils ont des noms : Niki, Veronica, Mirela. Une sœur morte, un frère resté, une sœur partie. Trois trajectoires éclatées, unies par une seule question : comment survivre à ce que l’on ne peut dire ?

 

Un huis clos incandescent

Le dispositif scénique est simple, presque nu. Un appartement à Bucarest, 2009. L’espace du retour, du reproche, de la confession. Niki rentre, furieux. Sa sœur Veronica vient de réapparaître. Vingt ans de silence, de douleurs enfouies, éclatent en une nuit. Une nuit de cris, de silences, de vérités crues et d’impossibles pardons.

C’est ici que la magie noire du théâtre opère : la douleur devient verbe, le silence devient cri, l’intime devient universel. Le texte de Clémence Baron est d’une justesse bouleversante, jamais dans l’emphase, toujours sur le fil. Il évite les pièges du pathos tout en nous plongeant dans une intensité émotionnelle rarement atteinte. Chaque réplique est un coup de scalpel, chaque silence une chute libre.

“Tu sais ce que ça fait de se reprocher d’être en vie, Niki ? Moi, oui.”

Dans cette scène clé, Veronica (Clémence Baron) explose, reproche, supplie, crache une vérité trop longtemps tue. Face à elle, Niki (Antoine Cafaro) se débat, s’effondre. Le duo fonctionne à merveille, tantôt volcanique, tantôt fragile, porté par une maîtrise du jeu qui fait oublier qu’ils sont acteurs. Ils sont frère et sœur. Ils sont cette mémoire douloureuse, ce passé qu’on porte comme une cicatrice vive.

 

Un théâtre de transmission, essentiel et politique

Ce spectacle, c’est aussi une alerte. Car cette histoire n’est pas une fiction. Elle est ancrée dans le réel. Clémence Baron a puisé dans l’histoire personnelle de sa sœur adoptive, elle-même survivante de cette époque maudite. Ce n’est pas un exercice mémoriel figé, mais un cri vivant, un devoir d’histoire adressé à notre époque.

Dans une France encore marquée par les blessures du déracinement, de l’adoption internationale, des traumas enfouis, la pièce résonne comme une cloche. Elle nous interpelle : que deviennent ces enfants grandis dans la violence ? Comment le passé ronge-t-il le présent ? Peut-on réparer une enfance volée ? Peut-on, même, vivre après cela ?

« Se balancer, c’est rester en mouvement, rester en mouvement, c’est vivre. D’une génération à l’autre. D’une mémoire silencieuse à une parole forte, assumée, transmise.

 

Un choc théâtral à Avignon et au-delà

 

Déjà Coup de Cœur de La Provence et Vaucluse Matin au Festival Off d’Avignon 2024, le spectacle s’impose comme une des révélations de la saison. Les critiques sont unanimes : « Une gifle d’émotion » (Just Focus), « un hommage bouleversant » (Musicos Magazine), « un théâtre nécessaire » (France 3).

Et le public ne s’y trompe pas. Les larmes coulent, les silences se prolongent après les saluts. Car ce n’est pas seulement une pièce que l’on vient voir. C’est un moment de vérité, un instant de mémoire partagée.

 

Pratique :

Du 4 au 26 juillet   (relâche les 9, 16, 23 juillet) à 14h25 au théâtre l’ORIFLAMME 

Durée 1h10

Adulte uniquement à partir de 12 ans

Accessible aux déficients visuels

 

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