Le Misanthrope à tout prix : un duel d’acteurs entre passion, ambition et alexandrins !
Et si Alceste et Célimène s’invitaient dans la loge de deux comédiens au bord de la rupture ?
Un duo improbable, une pièce légendaire, une journée de répétition qui vire au règlement de comptes théâtral : Le Misanthrope à tout prix n’est pas qu’une relecture de Molière, c’est une immersion à la fois tendre et tonique dans l’atelier vivant de deux artistes à fleur de peau. Ce spectacle singulier nous emmène sur le fil, entre théâtre classique et écriture contemporaine, entre fidélité au texte et joyeuse subversion.
Un pari fou : jouer Le Misanthrope à deux
Ils sont deux. Al et Célie. Et ils veulent monter Le Misanthrope. Pourquoi pas ? Sauf qu’ils n’ont ni troupe, ni budget, ni décor. Juste une table, deux chaises, un portant de costumes, et une passion obstinée pour le théâtre. Alors ils vont tout faire eux-mêmes. Al endosse l’austérité d’Alceste. Célie joue tout le reste : Célimène, Philinte, Oronte, Arsinoé… dans un tourbillon d’énergie et de costumes volants.
Mais au-delà de la performance, c’est une autre pièce qui se joue : celle d’un duo d’artistes qui ne se comprend plus. Lui, puriste obsessionnel, ne jure que par la vérité du vers. Elle, pragmatique effervescente, veut faire une bande-annonce, séduire les subventionneurs, « moderniser » Molière pour le mettre à la page. Leurs visions s’entrechoquent, leurs ego s’égratignent, leurs rêves se frottent au réel.
Entre jeu et vie, la frontière se trouble
Les scènes du Misanthrope, sept au total, sont jouées dans leur langue d’origine, avec une rigueur et une fraîcheur qui réveillent l’alexandrin. Mais ces moments sont encadrés de scénettes contemporaines savoureuses, écrites avec finesse par Florence Limon et Stephan Hersoen. Ces « interludes » racontent les coulisses, les doutes, les tensions du couple Al/Célie, et surtout, elles posent une question essentielle : pourquoi fait-on du théâtre aujourd’hui ?
Le résultat est un théâtre de la sincérité, qui amuse autant qu’il interroge. On y parle d’art, de couple, de désir de reconnaissance, de précarité, de jalousie. Le tout avec humour, justesse, et ce supplément d’âme qui fait mouche. Alceste et Célimène finissent par se confondre avec Al et Célie. Deux amants, deux artistes, deux langages, classique et contemporain, qui s’observent tant qu’ils s’opposent.
Une mise en scène au service du texte et du jeu
La scénographie est sobre mais redoutablement efficace. Quelques objets suffisent pour dessiner des espaces, suggérer des personnages et soutenir le rythme. Les changements de costume, fulgurants et souvent comiques, permettent de passer sans difficulté d’une époque à l’autre, d’un ton à l’autre.
La mise en scène de Florence Limon et Stephan Hersoen, avec la complicité de Camille Boullé, privilégie la clarté, la vivacité, l’intimité. Rien de démonstratif, tout est incarné. La lumière trace d’abord la frontière entre les mondes, puis les fusionne peu à peu. Et l’on glisse, sans même s’en rendre compte, d’un alexandrin du XVIIe siècle à une dispute de loge du XXIe.
Deux comédiens, une performance jubilatoire
Florence Limon et Stephan Hersoen, dans leurs rôles d’auteurs, de metteurs en scène et d’interprètes, impressionnent par leur complicité, leur générosité de jeu, leur engagement physique et émotionnel. Ils font exister une galerie de personnages avec une limpidité rare, et embarquent le public dans un voyage aussi drôle que touchant. Ce Misanthrope à tout prix est un petit bijou de théâtre dans le théâtre, un miroir à double face où se reflètent nos contradictions d’aujourd’hui à travers les mots d’hier. Une déclaration d’amour au théâtre, fragile et tenace, comme la relation d’Al et Célie.
« Il faut jouer Molière encore et toujours. Mais comment, quand on n’est que deux ? En osant. En inventant. En aimant. »
Pratique :
Les 10, 17 et 24 juillet à 11h45 au Théâtre Tremplin – Salle Les Baladins, 7 rue du Bon Pasteur, 84000 Avignon
Durée : 1h15
Tout public à partir de 12 ans
www.theatretremplin-avignon.fr
Par la Compagnie Le Plateau Libre
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