Off d’Avignon : L’Éducation de Rita

L’Éducation de Rita
Le savoir comme arme, le rire comme tremplin

 Une comédie qui fait réfléchir autant qu’elle fait rire

L’éducation de Rita, salle Jean Renoir à Bois-Colombes

 

Imaginez une coiffeuse de Liverpool, pétillante et fougueuse, qui pousse la porte d’un bureau de professeur pour lui demander des cours. Elle veut apprendre, comprendre, changer sa vie. Lui, enseignant désabusé, whisky à portée de main, n’attend plus rien de l’école, ni de lui-même. L’Éducation de Rita, écrite par Willy Russell et aujourd’hui brillamment portée par la Compagnie Angle Limite, raconte la collision de ces deux mondes. Et le résultat est explosif, drôle, tendre, et surtout profondément humain.

Créée en 1980 par la Royal Shakespeare Company, cette comédie britannique devenue un classique moderne traverse le temps sans prendre une ride. Dans cette adaptation française subtilement mise en scène par Owen Doyle, le texte brille par son authenticité, sa vivacité et son humanité désarmante.

 

Rita prend le pouvoir

Susan White, alias Rita, n’en peut plus des pubs, des conversations creuses et de cette vie qu’on lui a assignée. En rendant hommage à l’auteure féministe Rita Mae Brown en choisissant son prénom, elle affiche déjà la couleur : elle veut du sens, du savoir, de la transformation. Le décor est planté dans un huis clos, celui du bureau de Frank, prof de littérature lassé, enfermé dans ses livres comme dans ses certitudes.

Mais Rita ne lâche rien. Elle s’acharne, provoque, bouscule, avec une énergie irrésistible. Ce qui aurait pu être un cours du soir devient une rencontre existentielle. Elle y gagne l’émancipation, lui, une seconde chance. Leur amitié improbable devient le cœur battant d’un spectacle à la fois subtil et profondément émouvant.

 

Un Pygmalion à l’envers

Là où My Fair Lady ou Pygmalion voyaient un homme façonner une femme, L’Éducation de Rita inverse le schéma. C’est Rita qui veut changer. Et c’est Frank qui, paradoxalement, s’inquiète de la voir s’éloigner, se transformer, se sophistiquer. Le théâtre devient alors le miroir d’un monde où la culture est à la fois arme de libération et source de tensions.

À travers les échanges vifs entre Rita et Frank, c’est tout un débat sur l’accès à la culture, les classes sociales, la transmission, l’authenticité et les limites de l’éducation qui se déroule devant nous. Le public rit souvent, mais repart aussi avec des questions essentielles : jusqu’où peut-on changer sans se trahir ? L’apprentissage est-il toujours émancipateur ? Que transmet-on vraiment quand on enseigne ?

 

Un duo éblouissant

L’éducation de Rita, salle Jean Renoir à Bois-Colombes

Sur scène, Maxime-Lior Windisch incarne une Rita incandescente, drôle, touchante, pleine de nuances. Elle passe avec aisance de l’exubérance comique à l’émotion brute. Face à elle, Owen Doyle (également metteur en scène) campe un Frank à la fois attendrissant et cassé, dont le cynisme masque mal le désarroi. Leur alchimie fonctionne parfaitement, donnant au texte de Willy Russell toute sa densité

 

Un théâtre de l’éveil

 

L’Éducation de Rita est plus qu’une comédie. C’est un éveil. Un cri de liberté. Une déclaration d’amour à la culture, dans ce qu’elle a de plus noble : sa capacité à faire grandir, à ouvrir des portes, à donner le choix.

Ce spectacle a aussi une résonance sociale forte. Il parle aux jeunes, aux enseignants, aux autodidactes, aux rêveurs, à tous ceux qui doutent de leur légitimité à s’emparer du savoir. Il raconte que l’éducation ne consiste pas à « remplir » un esprit, mais à lui offrir un espace pour s’épanouir.

Rita devient l’image de ces êtres lumineux qui, malgré les barrières sociales ou les désillusions, choisissent de ne pas renoncer à eux-mêmes. Une héroïne moderne, qui ne cherche pas un prince mais un professeur, non pour être sauvée, mais pour se libérer.

 

Un miroir chaleureux et sans complaisance

Porté par une mise en scène précise et une direction d’acteurs toute en finesse, L’Éducation de Rita évite tous les clichés. Pas de morale assénée, pas d’empathie facile. Juste deux êtres humains, à fleur de peau, en déséquilibre, qui se regardent et se changent mutuellement.

Ce théâtre de l’intime, presque en apesanteur, fait un bien fou. Il nous fait croire, le temps d’une heure trente, que la culture peut encore changer une vie. Ou deux.

 

Pratique :

Du 5 au 26 juillet 2025 (relâche les mardis 8, 15 et 22 juillet) à 11h45 au Théâtre de l’adresse, 2 avenue de la Trillade, Avignon, par la compagnie l’Angle Limite

Durée : 1h30

Tout public à partir de 10 ans

Distribution :

-Rita : Maxime-Lior Windisch

-Frank : Owen Doyle

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